A l’occasion d’un étrange rendez-vous, l’avocat d’affaires, Henri Dutertre se retrouve bloqué avec une femme séduisante accompagnée d’un homme mystérieux et pontifiant. Un marché inattendu est alors proposé.
Henri refusera-t-il de se soumettre ? Séduction, opposition, rejet. Rêve, cauchemar, délire... Peut-il encore changer le cours de son destin ? Henri va alors plaider sa cause de façon inédite. Dans ce texte original, non dénué d’humour, les auteurs nous proposent une réflexion autour des rapports humains, des destinées affectives et des choix spirituels ; des questionnements qui touchent à l’essentiel, à la mort - donc à la vie !

Lieu de fantaisie et de réflexions, la scène n’a eu de cesse de railler et dénoncer les travers de son époque - c’est aussi vrai dans les textes antiques que dans les comédies populaires contemporaines ou chez Molière -. La parole théâtrale a toujours été porteuse de questionnements autour de la condition humaine. Un principe universel. Et imparable. Il ne nous a pas échappé que les plus grands auteurs ou intellectuels ont ainsi utilisé ce biais pour s’interroger sur les questions essentielles que sont celles du devenir de chacun après la mort ; et du désir d’immortalité que nous portons tous en notre sein. Et les religions apportent des réponses à cette légitime interrogation. "Derniers Jugements" assume sa part historique pour na pas dire mythologique, issue de cette illustre lignée. L’homme, la mort et Dieu sont au cur du récit. Rien de moins ! L’écueil évident eut été de nous trouver face à une sorte de pensum indigeste et cérébral. Du théâtre d’idées mais sans vibrations charnelles, sans palpitations affectives. Or, "Derniers Jugements" est une vraie comédie humaine, une histoire à la dramaturgie avérée. Une pièce qui mêle la passion et la raison. L’intelligence du cœur d’une certaine manière. L’ampleur du sujet et des réflexions ne sont pas éludées au profit de l’intrigue. C’est même l’inverse puisqu’elles en constituent sa colonne vertébrale. Le texte tâche de rester cohérent, suffisamment dense mais pas étouffant. Il fait appel à des références religieuses, puis ricoche dessus, rebondit et les dépasse afin de toucher à l’universalité. Notre propos n’est pas de mettre en accusation une religion ou une autre. Mais de confronter un homme emblématique de son époque à sa propre destinée, à sa mort, à son Dieu. En dehors de tout dogme. Face à un Dieu d’origine catholique - celui de sa culture - face à une mort belle et troublante, Henri Dutertre, avocat d’affaires confirmé, va explorer des voies autres, ancestrales par certains aspects mais terriblement modernes dans son doute permanent, par sa présomption à vouloir tout contrôler, par son aveuglément, sa vanité. L’homme, la mort et Dieu ! Seule une incarnation parfaite de ce triumvirat de tragédie antique pouvait nous ouvrir le champ des possibles. Le Dieu présenté ici est donc le Dieu chrétien. Mais son discours est transposable aux autres religions monothéistes. Il alterne les aphorismes et les sentences, il prophétise. Dans toute la rondeur de sa condescendance paternaliste, il rend la rigidité de sa parole plus abordable. Il manie l’humour de celui qui sait, qui connait la vérité ultime. Il écoute, il juge. Il est à la fois sans surprise et très surprenant. Un paradoxe qui tient de la gageure. La mort joue habilement de son charme. Séduisante et effrayante à la fois. Chacun possède sa propre image de la mort. La complexité de son "concept" la rend attachante, fuyante, pleine de doutes et de principes. La mort est définitivement humaine, au sens où elle nous concerne tous, nous rattrape forcément. Elle nous ressemble. Elle est le lien entre Dieu et les hommes. A moins qu’elle ne soit une alternative... C’est la suggestion originale du texte. Il est d’ailleurs amusant d’un point de vue narratif de tenter une approche "incarnée" de la mort, de la présenter dans ce qu’elle a de plus vital comme une autre issue possible, un recours à la voie de Dieu. C’est par la confrontation spirituelle que la mort et Dieu reprennent leurs dimensions essentielles. C’est par l’incarnation théâtrale qu’ils trouvent leurs dimensions humaines. Eh puis bien sûr, il y a Henri, le représentant de l’espèce humaine. Celui par qui le canevas se tisse, celui sur qui le piège se referme. Derrière le piège, le salut ? Avocat brillant, cultivé, installé... Henri n’est pas vraiment monsieur tout le monde de prime abord. Et pourtant... Qui d’autre qu’un bel orateur, sur de soi même et de son aura, convaincu de la puissance du verbe aurait pu tenir la dragée haute à Dieu, et fomenter une stratégie de sortie de crise (échapper à la mort et au dernier jugement) ? Son dernier combat est celui de tout un chacun. Sa mise en accusation d’un système de vie, biologique et spirituel, nous interpelle et nous émeut. Soyons clairs ! Loin de nous la volonté d’écrire une pièce philosophique ou de réflexion religieuse ! Il s’agissait surtout de mettre sur scène un homme face à ses interrogations sur sa finitude ; quelles peuvent être les fondations et les manifestations d’une vie accomplie, d’une mort réussie ? Une approche viscérale à la portée de tous. L’humour et le sens de la répartie font partie de l’arsenal de nos personnages pour éviter l’écueil de la facilité. Spectacle oscillant entre rêve et cauchemar pour le seul humain en scène (Est-il vraiment seul ?), les ressorts les plus terriblement terre à terre que sont la séduction, la colère ou la menace n’en sont pourtant pas absents.