Camille Claudel
de Charles Gonzalès
Mise en scène de Charles Gonzalès
Avec Charles Gonzalès
Camille Claudel, une des premières femmes sculpteurs, accepte de se livrer au ciseau de Charles Gonzalès, auteur et interprète. Un grand moment de théâtre.
Dans la seconde partie du XIXe siècle, un frère et une sœur tentent de secouer le carcan de la bourgeoisie. A la manière de jumeaux, ils entretiennent une relation fusionnelle et se réfugient dans la création. Paul, tout en préparant la carrière diplomatique, s’inspire de Nietzsche pour sa première pièce, Tête d’Or. Dieu n’est pas encore dans ses pensées. Vomissant la société - cette société Troisième République qui connaîtrait son apogée – il rêve de mettre le feu à ce nid de guêpes, se préparant à écrire La Ville. Camille, sa sœur, de quatre ans son aînée, est fascinée par la sculpture. Le père, conservateur aux hypothèques, est nommé à Nogent-sur-Seine. C’est là qu’elle rencontre un sculpteur du nom d’Alfred Bouchez. Celui-ci convainc Monsieur Claudel à transplanter la famille à Paris afin que Camille puisse suivre des cours. Boucher un jour sera son professeur, mais, devant quitter la France, c’est Auguste Rodin, un des gloires du pays, qui prend la relève.
Camille Claudel deviendra l’assistante indispensable du dit Rodin. C’est elle qui sculptera les mains du groupe Les Bourgeois de Calais. Elle, qui participera à La Porte de L’Enfer. Mais si Camille doit beaucoup à Rodin, il est faux de dire qu’elle n’est qu’une de ses nombreuses élèves. Lui-même s’en expliquera : "Je lui ai montré où trouver de l’or, mais l’or qu’elle trouve est bien à elle". En revanche, il reconnaîtra que si "Mademoiselle Claudel est devenue son praticien" donc son assistante il "la consulte en toute chose". C’est en effet plus que cela, c’est sa compagne et sa muse. Leurs relations dureront plus de dix ans, littéralement obsédés l’un par l’autre. Il captera ses traits et, dans plusieurs œuvres, elle sera son modèle parfait. Camille pour sa part, surtout vers la fin de leur liaison, introduira le personnage du vieillard. Et ce vieillard sera Rodin. C’est à ce moment-là qu’elle se renouvellera du tout au tout, adoptant les courbes de l’Art Nouveau et travaillant sur des matières aussi précieuses que l’onyx – comme dans La Vague de 1897.
Si 1892 est l’année de l’éclatement du couple et le déferlement de la jalousie de Camille, le 3 mars 1913 est la date de son enfermement. Enfermement signé par Madame Claudel, mais où Paul eut un rôle actif. Paul, son refuge. Paul, l’alter ego, tout à la fois subjugué et traumatisé par elle.
Charles Gonzalès, qui a déjà été Camille, incarne à nouveau ce personnage. Ceci, dès l’instant où la voiture s’ébranle pour l’asile de Ville-Evrard -en notre actuelle Seine-Saint-Denis. Le spectateur, plongé dans une demi-obscurité, est confronté à individu sans sexe, parce qu’il est déjà au-delà du sexe, comme il est déjà au-delà de toute classe sociale. La scène est quasi vide. Seuls, remarque-t-on un mannequin de couturière et une robe dans les teintes violet, symbole la fin d’un monde. 1913 en effet une année brillante. C’est celle du Sacre du Printemps (Stravinsky / Nijinsky) du Grand Meaulnes d’Alain Fournier, d’Alcools d’Apollinaire et Du Côté de chez Swann de Marcel Proust.
Camille, la recluse, est bien loin de tout cela. Elle vient de détruire quelques uns de ses plâtres dans son atelier du Quai Bourbon. Toujours en pétard contre "la bande à Rodin", son obsession, elle se traîne en chemise, les yeux hagards et les cheveux en bataille. Sa canne résonne, tandis qu’elle se livre à mi-voix ou éructe des extraits de sa correspondance, carnet d’une longue descente aux enfers qui ne s’achèvera qu’en 1943, à Montfavet. Charles Gonzalès passe de l’abattement – qui a l’aspect d’un calme raisonné – à la bouffée délirante, mais sans cesser de dévoiler les pièces d’un dossier accablant : enlèvement, accaparement, malnutrition, embrouilles administratives, abandon de la mère qui ne répond jamais aux lettres de sa fille. "La bande à Rodin" continue à être son obsession. Mais un passé plus serin reprend forme quelquefois. Et Camille évoque les galeristes, les mécènes ; elle fait des commentaires sur telle ou telle œuvre comme le Balzac de Rodin boulevard Raspail. Ainsi les deux manches de la robe de chambre du maître finissent par ressembler à deux ailes.
Gonzalès nous touche et ne cesse de nous toucher, nourrissant son texte de lettres de Camille, jouées sur deux registres. Deux voix : la voix normale et celle, insidieuse, voix de tête, coupante et métallique, rappelant Antonin Artaud. Mais ce qui peut paraître tic de spectacle n’est en fait que la réalité, car cette petite voix, Henri, le fils de Paul, l’a entendue.
Cette pièce est spécialement inspirée par le Dossier Camille Claudel de Jacques Cassar, paru en 1987. Mais Charles Gonzalès a magnifié l’ensemble, s’emparant du personnage, comme il s’est emparé de Thérèse d’Avila et de l’écrivain Sarah Kane. C’est en tous cas un grand moment de théâtre.
Camille Claudel deviendra l’assistante indispensable du dit Rodin. C’est elle qui sculptera les mains du groupe Les Bourgeois de Calais. Elle, qui participera à La Porte de L’Enfer. Mais si Camille doit beaucoup à Rodin, il est faux de dire qu’elle n’est qu’une de ses nombreuses élèves. Lui-même s’en expliquera : "Je lui ai montré où trouver de l’or, mais l’or qu’elle trouve est bien à elle". En revanche, il reconnaîtra que si "Mademoiselle Claudel est devenue son praticien" donc son assistante il "la consulte en toute chose". C’est en effet plus que cela, c’est sa compagne et sa muse. Leurs relations dureront plus de dix ans, littéralement obsédés l’un par l’autre. Il captera ses traits et, dans plusieurs œuvres, elle sera son modèle parfait. Camille pour sa part, surtout vers la fin de leur liaison, introduira le personnage du vieillard. Et ce vieillard sera Rodin. C’est à ce moment-là qu’elle se renouvellera du tout au tout, adoptant les courbes de l’Art Nouveau et travaillant sur des matières aussi précieuses que l’onyx – comme dans La Vague de 1897.
Si 1892 est l’année de l’éclatement du couple et le déferlement de la jalousie de Camille, le 3 mars 1913 est la date de son enfermement. Enfermement signé par Madame Claudel, mais où Paul eut un rôle actif. Paul, son refuge. Paul, l’alter ego, tout à la fois subjugué et traumatisé par elle.
Charles Gonzalès, qui a déjà été Camille, incarne à nouveau ce personnage. Ceci, dès l’instant où la voiture s’ébranle pour l’asile de Ville-Evrard -en notre actuelle Seine-Saint-Denis. Le spectateur, plongé dans une demi-obscurité, est confronté à individu sans sexe, parce qu’il est déjà au-delà du sexe, comme il est déjà au-delà de toute classe sociale. La scène est quasi vide. Seuls, remarque-t-on un mannequin de couturière et une robe dans les teintes violet, symbole la fin d’un monde. 1913 en effet une année brillante. C’est celle du Sacre du Printemps (Stravinsky / Nijinsky) du Grand Meaulnes d’Alain Fournier, d’Alcools d’Apollinaire et Du Côté de chez Swann de Marcel Proust.
Camille, la recluse, est bien loin de tout cela. Elle vient de détruire quelques uns de ses plâtres dans son atelier du Quai Bourbon. Toujours en pétard contre "la bande à Rodin", son obsession, elle se traîne en chemise, les yeux hagards et les cheveux en bataille. Sa canne résonne, tandis qu’elle se livre à mi-voix ou éructe des extraits de sa correspondance, carnet d’une longue descente aux enfers qui ne s’achèvera qu’en 1943, à Montfavet. Charles Gonzalès passe de l’abattement – qui a l’aspect d’un calme raisonné – à la bouffée délirante, mais sans cesser de dévoiler les pièces d’un dossier accablant : enlèvement, accaparement, malnutrition, embrouilles administratives, abandon de la mère qui ne répond jamais aux lettres de sa fille. "La bande à Rodin" continue à être son obsession. Mais un passé plus serin reprend forme quelquefois. Et Camille évoque les galeristes, les mécènes ; elle fait des commentaires sur telle ou telle œuvre comme le Balzac de Rodin boulevard Raspail. Ainsi les deux manches de la robe de chambre du maître finissent par ressembler à deux ailes.
Gonzalès nous touche et ne cesse de nous toucher, nourrissant son texte de lettres de Camille, jouées sur deux registres. Deux voix : la voix normale et celle, insidieuse, voix de tête, coupante et métallique, rappelant Antonin Artaud. Mais ce qui peut paraître tic de spectacle n’est en fait que la réalité, car cette petite voix, Henri, le fils de Paul, l’a entendue.
Cette pièce est spécialement inspirée par le Dossier Camille Claudel de Jacques Cassar, paru en 1987. Mais Charles Gonzalès a magnifié l’ensemble, s’emparant du personnage, comme il s’est emparé de Thérèse d’Avila et de l’écrivain Sarah Kane. C’est en tous cas un grand moment de théâtre.
Pierre Breant
13/02/2018
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