Ivan Viripaev est de cette génération d'auteurs contemporains qui s'exerce dans la satire sociale en décriant des situations où s'entremêlent des histoires individuelles, lesquelles s'engouffrent dans un mouvement collectif de pression et de dépression. Auteur apprécié pour la qualité éclectique de sa plume, ses textes sont traduits et représentés sur les scènes du monde entier.
Sur la scène du théâtre de L'Aquarium, souffle un vent d'influences artistiques venu d'Europe de l'est. Viripaev est natif de Sibérie et Galin Stœv, le metteur en scène, est bulgare. La rencontre de ces deux artistes, la promesse d'une adaptation de la pièce qui explose les codes du théâtre et emporte le public dans un tourbillon qui se traduit par la jeunesse et la fougue des comédiens.
Résumé. Dennis et Sandra sont mariés depuis cinquante-deux ans. Avant de mourir, Dennis se livre une dernière fois à son épouse. Il lui voue une reconnaissance d'amour, la remercie pour tout ce qu'elle lui a donné, lui glisse qu'il a eu une belle vie. Leurs amis de toujours, Albert et Margaret, sont mariés depuis cinquante-quatre ans. Sandra, affectée par une maladie, se confie à Albert et lui avoue qu'elle l'a toujours aimé. Albert entreprend de révéler à Margaret son secret, il a aimé Sandra.
La narration mue les vérités en mensonges, les fidélités en tromperies, les certitudes en quiproquos. L'âge des personnages étant déjà très avancé, il leur est plus facile de dire les choses avec le recul et l'expérience de la vie sans craindre les foudres du conjoint. Dennis et Sandra, Albert et Margaret, un joli duo d'octogénaires attendrissants que la vie a préservés jusqu'au moment où derrière les stigmates de la vieillesse émergent des faces cachées.
Galin Stœv a choisi une distribution de jeunes comédiens pour les interpréter. La subtilité du choix se manifeste par la dynamique engendrée par cette jeunesse qui prend corps et partie de Dennis, Sandra, Albert et Margaret. Illusions monte en puissance quand la narration ouvre les guillemets sur des propos inavoués. Le monde semble s'effondrer sur les déclarations de Sandra à Albert et de Margaret à son époux. Sont-ce des moments d'égarement, des désillusions livrées sur une parenthèse de vie qui se referme, un jeu de construction et de déconstruction ?
Galin Stœv a su imposer des vertiges dosés d'oppositions, l'abnégation et l'ambition, la comédie et la tragédie, la légèreté et la rigueur. La mise en scène s'articule autour d'un mouvement collectif où s'extraient des individualités performantes et convaincantes que sont Raphaël Bedrossian, Flora Bourne-Chastel, Elsa Canovas, Jean-Baptiste Florens, Sarah Glond, Lou Granarolo, Valentine Lauzat, Nelly Lawson, Marilou Malo, Pauline Masse, Jérémy Petit, Aurélien Pinheiro, Willie Schwartz. Les comédiens montrent de l'exigence dans leur jeu respectif, ils s'autorisent une liberté d'expression respectueuse de la ligne d'écriture de Viripaev. Ils sont ce qu'ils scandent à maintes reprises, l'amour réciproque, car tel est le sens qu'ils donnent au public d'Illusions.
Illusions est un spectacle de partage, côté scène et côté salle, car les comédiens jouent un texte de vie qui mêle les émotions aux impressions, la réalité à la fiction.