La reine de Césarée
de Robert Brasillach
Mise en scène de Bernard Lefebvre
Avec Sarah Gfeller, Bernard Lefebvre, Lancelot Lefebvre, Frédéric Morel, Hélène Robin, Laurent Uo, Dominique Vasserot
Le bonheur et ses contradictions est un thème qui arrive à point comme le rappelle un ami au moment où le critique ose écrire dans un vrai mal être existentiel quelques mots sur « La reine de Césarée » de Robert Brasillach mise en scène par Bernard Lefebvre : « C’est du mal que nait le bien… Le mal est le berceau du bien… »
Faut-il donc du courage à Jean Luc Jeener pour mettre à l’affiche de son théâtre du Nord-Ouest une tragédie déjà connue, revue par un écrivain Français Robert Brasillach, le seul qui se soit fait fusiller après la guerre au terme d’un jugement pour des faits d’intelligence avec l’ennemi entre autre ?
Faut-il doublement de l’audace pour le metteur en scène Bernard Lefebvre et sa femme Hélène Robin incarnant avec brio une singulière Bérénice plus connue sous le nom de « La reine de Césarée » selon le titre de l’ouvrage de Robert Brasillach pour monter sur scène afin de jouer cette œuvre aux relents subversifs ?
Toutes ces questions fermées appellent un grand « Oui » qu’il ne faut pas avoir peur d’écrire car c’est la tête vide de la part d’ombre et de nuit immonde concernant Robert Brasillach qu’il faut aller « entendre » cette tragédie d’abord en repensant à l’historien Tite-Live évoquant le renoncement de l’empereur romain Titus à l’amour d’une reine étrangère malgré eux respectivement. Viennent ensuite la « Bérénice » de Racine puis le « Tite et Bérénice de Corneille » et pour fermer le banc la tragédie se poursuit sous la plume de celui qui sera le rédacteur en chef du journal collaborationniste « Je suis partout » allant jusqu’à la publier dans les colonnes d’un de ces brûlots.
En toute neutralité et voulant sortir ce texte de son affreux contexte historique on retiendra envers et contre tout un talent littéraire d’exception qu’il faut redécouvrir. Il ne s’agit pas en ces lignes de restaurer l’image d’un condamné mais bien au-delà d’avoir la même audace que ce metteur en scène d’origine juive par sa mère me confiera sa femme dans les loges et ce n’est pas là un petit détail pour des détracteurs peu zélés qui voudraient y voir un prosélytisme antisémite et pour aller plus loin encore , il faut oser se pencher par cet ensemble d’interpellations sur la mise en scène de Bernard Lefebvre qui nous dira avec dépit « Une seule et unique critique en dix ans depuis que cette mise en scène existe. »
Certains diront que ce n’est pas glorieux de louer un tel auteur ou une telle œuvre ou de tels comédiens osant la jouer mais la critique se moque en toute neutralité des censeurs à tort ou à raison.
Robert Brasillach meurt à 34 ans en 1945 condamné à mort par une cour de justice et exécuté malgré une pétition signée et adressée au général de Gaulle par cinquante artistes et intellectuels français de renom, parmi lesquels François Mauriac, Paul Valéry, Maurice de Vlaminck, Thierry Maulnier, Marcel Aymé ,Jean Cocteau, Colette, André Barsacq, Arthur Honegger, Daniel-Rops, Jean-Louis Barrault , Albert Camus ,Paul Claudel, Roland Dorgelès, Jean Anouilh etc. C’est d’ailleurs ce dernier écrivain qui très timidement ira chercher les uns et les autres pour signer cette pétition qui fera aussi beaucoup de refus et qui après le procès s’adressant à son ami Pierre Fresnay dira, le 6 février, se promenant rue de la Michodière en sa compagnie quand il apprend par le journal l'exécution du normalien «au gros regard étonné derrière de grosses lunettes».
-Il va falloir, dit-il, qu'à notre tour nous dressions nos listes...
-Oh! non, proteste Fresnay, pas nous!
-Les listes de ceux à qui nous ne serrerons plus la main! Complète Anouilh.
Il y a bien évidemment l’inacceptable de l’homme avec tout ce qu’il écrit de manière orientée et qu’il pense hélas. Il n’est en ce sujet de « La reine de Césarée » que de revisiter ses intentions dans le contexte historique dans lequel il écrit et dans les journaux choisis aussi. Dans son « Journal d'un homme occupé », Robert Brasillach explique que sa pièce était "fondée sur deux faits historiques que Bérénice était juive et qu'elle avait quatorze ans de plus que Titus". La rupture devint donc "la conclusion logique d'une liaison trop longue entre un Chéri et une Léa, en même temps qu'un drame de race». Toutefois il nous faut vraiment enjamber l’inacceptable ou l’occulter pour ne garder à l’esprit que la capacité à écrire prodigieuse de cet homme et dans une langue qui se fait trop rare.
Cette «ultime Bérénice », on la lit assurément en tremblant sous la plume d’un écrivain antisémite, qui consacra à son héroïne « juive » nombre de ses nuits estivales de l’année 1940 au cours de son séjour comme prisonnier de guerre dans un camp allemand. Le texte publié en 1944, dans une revue parisienne ouvertement collaborationniste, ne sera lisible à nouveau qu’en 1954, dans une version qu’on dira « amoindrie de l’indigeste » par le beau-frère de Brasillach : Maurice Bardèche, éminent spécialiste de Balzac et de Stendhal, professeur en Sorbonne avant d’être radié de l’enseignement.
De là on retourne au questionnement du départ et pour aller plus loin on se pose la question de la situation d’une telle œuvre dans l’histoire littéraire en pensant dans un contexte pas plus glorieux à Montherlant ou à Céline.
Comment ne pas citer dès lors cette phrase de Montherlant : « En quelque tribunal qui soit au monde, il suffit de voir les têtes des juges pour savoir que l’accusé est innocent » (Malatesta, drame écrit par Montherlant en 1944). Montherlant n’échappa certainement pas sans frissonner à la lame des juges épurateurs avec laquelle ils tranchèrent le sort de Brasillach. Louis Ferdinand Céline lui n’était pas en France au moment des faits mais réfugié au Danemark avec sa femme et son chat. L’injustice est là dans le courage de Brasillach de s’être livré face à un Céline bien plus antisémite que lui qui s’est enfuit pour ne pas subir la même sentence.
« La reine de Césarée » de Robert Brasillach mise en scène par Bernard Lefebvre est une interprétation magistrale qui remet en cause la censure littéraire non autorisée en France mais intrinsèquement pratiquée avec la redoutable arme de la rumeur. L’œuvre de Brasillach est tombée dans le domaine public et à ce titre cette tragédie dont le texte est admirablement possédé par chacun des comédiens doit pouvoir donner envie à ceux qui n’ont pas d’œillères d’oser « prendre un pull » au figuré s’il le faut mais on ne sort assurément pas « frigorifié» de ce grand travail de dramaturgie mais renouvelé curieusement de l’intérieur comme si l’ésotérisme si cher à l’auteur était venu là exorciser tous ses démons.
Faut-il doublement de l’audace pour le metteur en scène Bernard Lefebvre et sa femme Hélène Robin incarnant avec brio une singulière Bérénice plus connue sous le nom de « La reine de Césarée » selon le titre de l’ouvrage de Robert Brasillach pour monter sur scène afin de jouer cette œuvre aux relents subversifs ?
Toutes ces questions fermées appellent un grand « Oui » qu’il ne faut pas avoir peur d’écrire car c’est la tête vide de la part d’ombre et de nuit immonde concernant Robert Brasillach qu’il faut aller « entendre » cette tragédie d’abord en repensant à l’historien Tite-Live évoquant le renoncement de l’empereur romain Titus à l’amour d’une reine étrangère malgré eux respectivement. Viennent ensuite la « Bérénice » de Racine puis le « Tite et Bérénice de Corneille » et pour fermer le banc la tragédie se poursuit sous la plume de celui qui sera le rédacteur en chef du journal collaborationniste « Je suis partout » allant jusqu’à la publier dans les colonnes d’un de ces brûlots.
En toute neutralité et voulant sortir ce texte de son affreux contexte historique on retiendra envers et contre tout un talent littéraire d’exception qu’il faut redécouvrir. Il ne s’agit pas en ces lignes de restaurer l’image d’un condamné mais bien au-delà d’avoir la même audace que ce metteur en scène d’origine juive par sa mère me confiera sa femme dans les loges et ce n’est pas là un petit détail pour des détracteurs peu zélés qui voudraient y voir un prosélytisme antisémite et pour aller plus loin encore , il faut oser se pencher par cet ensemble d’interpellations sur la mise en scène de Bernard Lefebvre qui nous dira avec dépit « Une seule et unique critique en dix ans depuis que cette mise en scène existe. »
Certains diront que ce n’est pas glorieux de louer un tel auteur ou une telle œuvre ou de tels comédiens osant la jouer mais la critique se moque en toute neutralité des censeurs à tort ou à raison.
Robert Brasillach meurt à 34 ans en 1945 condamné à mort par une cour de justice et exécuté malgré une pétition signée et adressée au général de Gaulle par cinquante artistes et intellectuels français de renom, parmi lesquels François Mauriac, Paul Valéry, Maurice de Vlaminck, Thierry Maulnier, Marcel Aymé ,Jean Cocteau, Colette, André Barsacq, Arthur Honegger, Daniel-Rops, Jean-Louis Barrault , Albert Camus ,Paul Claudel, Roland Dorgelès, Jean Anouilh etc. C’est d’ailleurs ce dernier écrivain qui très timidement ira chercher les uns et les autres pour signer cette pétition qui fera aussi beaucoup de refus et qui après le procès s’adressant à son ami Pierre Fresnay dira, le 6 février, se promenant rue de la Michodière en sa compagnie quand il apprend par le journal l'exécution du normalien «au gros regard étonné derrière de grosses lunettes».
-Il va falloir, dit-il, qu'à notre tour nous dressions nos listes...
-Oh! non, proteste Fresnay, pas nous!
-Les listes de ceux à qui nous ne serrerons plus la main! Complète Anouilh.
Il y a bien évidemment l’inacceptable de l’homme avec tout ce qu’il écrit de manière orientée et qu’il pense hélas. Il n’est en ce sujet de « La reine de Césarée » que de revisiter ses intentions dans le contexte historique dans lequel il écrit et dans les journaux choisis aussi. Dans son « Journal d'un homme occupé », Robert Brasillach explique que sa pièce était "fondée sur deux faits historiques que Bérénice était juive et qu'elle avait quatorze ans de plus que Titus". La rupture devint donc "la conclusion logique d'une liaison trop longue entre un Chéri et une Léa, en même temps qu'un drame de race». Toutefois il nous faut vraiment enjamber l’inacceptable ou l’occulter pour ne garder à l’esprit que la capacité à écrire prodigieuse de cet homme et dans une langue qui se fait trop rare.
Cette «ultime Bérénice », on la lit assurément en tremblant sous la plume d’un écrivain antisémite, qui consacra à son héroïne « juive » nombre de ses nuits estivales de l’année 1940 au cours de son séjour comme prisonnier de guerre dans un camp allemand. Le texte publié en 1944, dans une revue parisienne ouvertement collaborationniste, ne sera lisible à nouveau qu’en 1954, dans une version qu’on dira « amoindrie de l’indigeste » par le beau-frère de Brasillach : Maurice Bardèche, éminent spécialiste de Balzac et de Stendhal, professeur en Sorbonne avant d’être radié de l’enseignement.
De là on retourne au questionnement du départ et pour aller plus loin on se pose la question de la situation d’une telle œuvre dans l’histoire littéraire en pensant dans un contexte pas plus glorieux à Montherlant ou à Céline.
Comment ne pas citer dès lors cette phrase de Montherlant : « En quelque tribunal qui soit au monde, il suffit de voir les têtes des juges pour savoir que l’accusé est innocent » (Malatesta, drame écrit par Montherlant en 1944). Montherlant n’échappa certainement pas sans frissonner à la lame des juges épurateurs avec laquelle ils tranchèrent le sort de Brasillach. Louis Ferdinand Céline lui n’était pas en France au moment des faits mais réfugié au Danemark avec sa femme et son chat. L’injustice est là dans le courage de Brasillach de s’être livré face à un Céline bien plus antisémite que lui qui s’est enfuit pour ne pas subir la même sentence.
« La reine de Césarée » de Robert Brasillach mise en scène par Bernard Lefebvre est une interprétation magistrale qui remet en cause la censure littéraire non autorisée en France mais intrinsèquement pratiquée avec la redoutable arme de la rumeur. L’œuvre de Brasillach est tombée dans le domaine public et à ce titre cette tragédie dont le texte est admirablement possédé par chacun des comédiens doit pouvoir donner envie à ceux qui n’ont pas d’œillères d’oser « prendre un pull » au figuré s’il le faut mais on ne sort assurément pas « frigorifié» de ce grand travail de dramaturgie mais renouvelé curieusement de l’intérieur comme si l’ésotérisme si cher à l’auteur était venu là exorciser tous ses démons.
Yves-Alexandre Julien
13/10/2017
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