Marie Tudor
de Victor Hugo
Mise en scène de Pierre-François Kettler, Daniel Briquet
Avec Aude Kerivel, Selin Kilinc, Pierre-François Kettler, Frédéric Morel, Ludovic Coquin -
Passion, jalousie, trahison et complot politique sont les ingrédients de ce thriller hugolien à la fois romantique et contemporain.
Jouer Marie Tudor sur les hauteurs de Ménilmontant aurait sans doute plu à Victor Hugo car ce quartier, réputé populaire, est en parfaite adéquation avec l’ouvrier Gilbert, protagoniste de ce drame romantique et adversaire de la reine dont l’alcôve s’ouvrait de plain-pied sur l’échafaud. On comprend pourquoi les Anglais l’ont appelée "bloody Mary". D’où ce climat de peur qui hante les couloirs du palais, comme les bouges et les bas-fonds de Londres.
Ainsi, dès le lever de rideau, surprend-on les lords se demandant quel sera le prochain d’entre eux arrêté et exécuté. Marie la Sanglante ne badine pas, mais on la sait sous l’influence de deux hommes, qui se détestent d’ailleurs cordialement. Le premier, Simon Renard, est le légat de Charles-Quint, spécialement occupé à conclure le mariage du futur roi d’Espagne Philippe II avec la reine d’Angleterre. Son profil de rapace est l’image parlante du machiavélisme politique qu’il incarne. Le second personnage est l’amant-même de "Sa Majesté", un Napolitain flamboyant, prêt à toute les bassesses, comme la séduction d’une jeune fille innocente. En l’occurrence, Jane, orpheline, recueillie et élevée par l’ouvrier-ciseleur Gilbert, lequel, fou d’amour, se promet de l’épouser. Mais, le beau courtisan, Fabiano Fabiani, change vite d’attitude quand il apprend que Jane serait la fille de lord Talbot. Donc une héritière. Ayant intérêt à empêcher le mariage, il se vante auprès de Gilbert d’avoir abusé de sa promise. Celui-ci décide de se venger et, par l’entremise de Simon Renard qui comprend le parti qu’il peut tirer de cette haine obtient une audience avec la reine. La main crispée sur le poignard et prêt à sacrifier sa propre vie, il révèle tout à Marie Tudor, lui demandant de favoriser le mariage entre Fabiano Fabiani et sa pupille, histoire de protéger ses biens puisqu’elle hérite aujourd’hui de lord Talbot. La colère change de camp. La reine hurle, tempête. Son amant, convoqué sur le champ, est sommé de s’expliquer. Ce qu’avait prévu Simon Renard se réalise : sur le champ, Marie Tudor fait arrêter Fabiano. Ainsi, le mariage espagnol est sauvé… Mais Gilbert, lui aussi, est incarcéré, tous deux accusés d’avoir voulu fomenter un complot.
Comme on peut le voir, le drame romantique est loin d’être un fleuve tranquille. L’action se noue sans cesse. Mais, ce qui est étonnant, c’est que le destin de chacun paraît libre. Et l’auteur donne l’impression de ne jamais intervenir. Tenant en lisière le texte – c’est ce qu’il recommande dans la préface d Cromwell - il laisse les situations se dérouler. Et ses êtres de chair et de sang, se livrent à leurs contradictions, en personnages responsables. En individus. Un siècle plus tôt, Hugo annonce le Personnalisme d’Emmanuel Mounier. Mais pour lui, dans le prisme du Romantisme, ses héros sont des poèmes vivants qui, chaque soir – d’une manière toujours différente gagnent la complicité du public.
La confrontation de Marie Tudor et de Jane est poignante et d’un lyrisme digne d’un opéra – du Bellini ou du Donizetti. Comme il se doit, Bloody Mary porte une robe rouge. Aude Kerivel, qui l’incarne, fait preuve d’un abattage étonnant. Elle flambe sous nos yeux. Face à elle, la toute tremblante, mais si sincère Jane, vêtue de soie blanche. Selin Kilinc, qui prend le rôle, défend sa partition, bec et ongles. Et comment ne pas se laisser emporter par la fougue de Pierre-François Kettler, qui, tout en cosignant la mise en scène, campe un Gilbert, expression même d’un peuple face aux puissants. Il est toute gouaille, authenticité, bonté. C’est déjà Jean Valjean dont le regard de tendresse se pose sur la fille qu’il a recueillie.
Mais, en Gilbert, il y a beaucoup de Hugo. Hugo qui, en cette année 1833, vient de rencontrer Juliette Drouet. C’est pour elle qu’il a écrit le rôle de Jane. L’amour le submerge, dans une confusion totale : "Mais je te pardonne, mais je te remercie, mais tu es pour moi la seule chose vraiment rayonnante de ce monde, mais à chaque mot que tu prononces, je sens une douleur mourir et une joie naître dans mon âme !".
La passion d’ailleurs anime chacun de ces dix acteurs. Chacun dans sa partition. C’est le cas de de Ludovic Coquin, infidèle Fabiano, de Frank Delage en lord Gardiner, de Frédéric Morel en cynique Simon Renard, d’Alan Bryden en lord Clinton, de Remi Picard en lord Chandos, d’Alexandre de Pardailhan en lord Montaigu et de Mohamed Guellati en Joshua, sorte de Juif errant qui, en ces temps difficiles, a le sentiment d’« avoir été deux ou trois fois dépendu »… La mise en scène sobre s’accompagne d’une musique significative, prenante à souhait. On reconnaît Purcell, avec des extraits de Funérailles pour la Reine Mary ou des lamentations de King Arthur. Glas et coups de canon complètent le paysage sonore où Victor Hugo se serait senti à l’aise, n’hésitant pas à dire : "on ne m’a point trahi".
Ainsi, dès le lever de rideau, surprend-on les lords se demandant quel sera le prochain d’entre eux arrêté et exécuté. Marie la Sanglante ne badine pas, mais on la sait sous l’influence de deux hommes, qui se détestent d’ailleurs cordialement. Le premier, Simon Renard, est le légat de Charles-Quint, spécialement occupé à conclure le mariage du futur roi d’Espagne Philippe II avec la reine d’Angleterre. Son profil de rapace est l’image parlante du machiavélisme politique qu’il incarne. Le second personnage est l’amant-même de "Sa Majesté", un Napolitain flamboyant, prêt à toute les bassesses, comme la séduction d’une jeune fille innocente. En l’occurrence, Jane, orpheline, recueillie et élevée par l’ouvrier-ciseleur Gilbert, lequel, fou d’amour, se promet de l’épouser. Mais, le beau courtisan, Fabiano Fabiani, change vite d’attitude quand il apprend que Jane serait la fille de lord Talbot. Donc une héritière. Ayant intérêt à empêcher le mariage, il se vante auprès de Gilbert d’avoir abusé de sa promise. Celui-ci décide de se venger et, par l’entremise de Simon Renard qui comprend le parti qu’il peut tirer de cette haine obtient une audience avec la reine. La main crispée sur le poignard et prêt à sacrifier sa propre vie, il révèle tout à Marie Tudor, lui demandant de favoriser le mariage entre Fabiano Fabiani et sa pupille, histoire de protéger ses biens puisqu’elle hérite aujourd’hui de lord Talbot. La colère change de camp. La reine hurle, tempête. Son amant, convoqué sur le champ, est sommé de s’expliquer. Ce qu’avait prévu Simon Renard se réalise : sur le champ, Marie Tudor fait arrêter Fabiano. Ainsi, le mariage espagnol est sauvé… Mais Gilbert, lui aussi, est incarcéré, tous deux accusés d’avoir voulu fomenter un complot.
Comme on peut le voir, le drame romantique est loin d’être un fleuve tranquille. L’action se noue sans cesse. Mais, ce qui est étonnant, c’est que le destin de chacun paraît libre. Et l’auteur donne l’impression de ne jamais intervenir. Tenant en lisière le texte – c’est ce qu’il recommande dans la préface d Cromwell - il laisse les situations se dérouler. Et ses êtres de chair et de sang, se livrent à leurs contradictions, en personnages responsables. En individus. Un siècle plus tôt, Hugo annonce le Personnalisme d’Emmanuel Mounier. Mais pour lui, dans le prisme du Romantisme, ses héros sont des poèmes vivants qui, chaque soir – d’une manière toujours différente gagnent la complicité du public.
La confrontation de Marie Tudor et de Jane est poignante et d’un lyrisme digne d’un opéra – du Bellini ou du Donizetti. Comme il se doit, Bloody Mary porte une robe rouge. Aude Kerivel, qui l’incarne, fait preuve d’un abattage étonnant. Elle flambe sous nos yeux. Face à elle, la toute tremblante, mais si sincère Jane, vêtue de soie blanche. Selin Kilinc, qui prend le rôle, défend sa partition, bec et ongles. Et comment ne pas se laisser emporter par la fougue de Pierre-François Kettler, qui, tout en cosignant la mise en scène, campe un Gilbert, expression même d’un peuple face aux puissants. Il est toute gouaille, authenticité, bonté. C’est déjà Jean Valjean dont le regard de tendresse se pose sur la fille qu’il a recueillie.
Mais, en Gilbert, il y a beaucoup de Hugo. Hugo qui, en cette année 1833, vient de rencontrer Juliette Drouet. C’est pour elle qu’il a écrit le rôle de Jane. L’amour le submerge, dans une confusion totale : "Mais je te pardonne, mais je te remercie, mais tu es pour moi la seule chose vraiment rayonnante de ce monde, mais à chaque mot que tu prononces, je sens une douleur mourir et une joie naître dans mon âme !".
La passion d’ailleurs anime chacun de ces dix acteurs. Chacun dans sa partition. C’est le cas de de Ludovic Coquin, infidèle Fabiano, de Frank Delage en lord Gardiner, de Frédéric Morel en cynique Simon Renard, d’Alan Bryden en lord Clinton, de Remi Picard en lord Chandos, d’Alexandre de Pardailhan en lord Montaigu et de Mohamed Guellati en Joshua, sorte de Juif errant qui, en ces temps difficiles, a le sentiment d’« avoir été deux ou trois fois dépendu »… La mise en scène sobre s’accompagne d’une musique significative, prenante à souhait. On reconnaît Purcell, avec des extraits de Funérailles pour la Reine Mary ou des lamentations de King Arthur. Glas et coups de canon complètent le paysage sonore où Victor Hugo se serait senti à l’aise, n’hésitant pas à dire : "on ne m’a point trahi".
Pierre Breant
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