Coeur ardent
de Alexandre Ostrovski
Mise en scène de Christophe Rauck
Avec Thomas Blanchard, Marc Chouppart, Jean-Luc Couchard, Pierre-François Garel, Jan Hammenecker, Jean-Charles Maricot, Jean-Philippe Meyer, Juliette Plumecocq-Mech, Mahmoud Saïd, Camille Schnebelen, Hélène Schwaller
Molière + Labiche = Ostrovski
Alexandre Nicolaïevitch Ostrovski, dramaturge russe du XIXe siècle, est souvent comparé à Molière. C’est à juste titre en ce qui concerne Cur ardent (1869) : la jeune Paracha aime et veut épouser Vassia, jeune homme sans fortune, mais son père, riche marchand, rustre et alcoolique, s’y oppose ; aidés par un serviteur espiègle, ils se voient en cachette... Ça ne vous rappelle rien ?... les deux jeunes premiers amoureux, le vieux père autoritaire, le valet rusé... c’est bel et bien du Molière. Oui, mais du Molière auquel s’ajoute un peu de Labiche, ou de Feydeau, comme vous voulez.L’intrigue se passe effectivement au XIXe siècle, dans la riche bourgeoisie, et Ostrovski nous donne une satire des murs de cette société, cupide, grossière et corrompue. L’argent est l’un des thèmes dominants de Cur ardent, comme dans le vaudeville français de la même époque. C’est lui qui motive les actes de tous les personnages, excepté de Paracha, prête à fuir avec son amoureux. D’où une tonalité comique dominante.Les protagonistes sont presque tous des caricatures : le bourgeois enrichi mais vulgaire, la bourgeoise bavarde et infidèle, belle-mère acariâtre de surcroît, le gouverneur corrompu... Et les comédiens font très bien ressortir leur ridicule, accentuant la gestuelle associée à ces archétypes, jouant vraiment avec leurs corps. C’est cette dimension visuelle qui est mise en valeur par le travail de Christophe Rauck. Le texte n’étant pas d’une originalité incroyable, il tire la mise en scène vers le comique gestuel et renforce le caractère burlesque des comportements et des situations. C’est la force de ce spectacle. D’autant qu’il est servir par de très bons interprètes.Cependant, le dynamisme et la bouffonnerie du jeu ne suffisent pas à faire passer les trois heures de représentation. La pièce met du temps à trouver son rythme au début et comporte quelques longueurs sur la fin. Seule la loufoquerie des scènes centrales, au décor kitschissime et à l’humour anachronique (un russe du XIXe siècle qui chante du Johnny ou imite Aldo Macione, par exemple), réveille momentanément le spectateur, mais d’une manière qui semble gratuite et facile. S’il suffit de parsemer de répliques "décalées" une pièce somme toute classique pour accréditer sa mise en scène aujourd’hui et se montrer original, alors c’est réussi ! Toutefois, jouer sur des insertions anachroniques pour faire rire le public à tout prix est une recette facile qui finit par ne plus marcher à tous les coups car déjà maintes fois utilisée : c’est divertissant, certes, mais pas suffisant !
Caroline Vernisse
08/05/2009
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