L'Infedelta Delusa
de Joseph Haydn
Mise en scène de Richard Brunel
A la découverte d'un tout-petit chef-d'oeuvre
Présentée en coproduction avec le Festival d’Aix en Provence et les Opéras de Toulon, Brême et du Luxembourg, cette Infidélité déjouée de Joseph Haydn (composée au Château d’Esterhaza en 1773) a remporté vendredi soir un franc succès. D’accord avec vous. La trame est aussi tenue que du papier à cigarette. Mais cet opéra bouffe, court, très court même (à peine deux heures de musique en comptant large) met en scène un monde paysan pas du tout d’opérette, et voit s’affronter entre Goldoni et le Molière de L’Ecole des Femmes et Georges Dandin, les différences sociales et les curs amoureux.On l’aura compris, encore une fois, dans cette bluette paysanne mais pas bucolique pour trois sous, les riches aiment les pauvres, et les pauvres s’entichent des riches. Air connu. Pour une guerre des sexes dans un esprit comedia dell’arte bien plus profonde et subtile que la burletta espérée, tant se dégagent finalement, d’une manière assez crue, une réelle violence, une âpreté, une rugosité certaines des instincts humains.Dans l’ingénieux dispositif scénique tout en transparences d’Anouk Dell’Aiera, le metteur en scène Richard Brunel n’y va pas par quatre chemin et ose une lecture pertinente, vive, enjouée du canevas finalement assez violent de Coltellini. Ici la peinture sociale frise l’obsession castratrice de la gent féminine, on s’arme d’instruments tranchants, on ose la révolte, et pour arriver à ses buts tous les moyens sont bons : on change de sexe, on se travestit, on éventre un buf pour mieux se parer des tripes sanguinolentes. Les costumes de Mariane Delayre mêlent contemporain, hideuse perruque grand siècle, gigantesques coiffure-casques couronnées de bois d’animaux. Bref, un spectacle moderne, drôle, inventif, parfaitement rôdé qui n’engendre pas une once d’ennui.
Le juvénile quintette vocal se double de comédiens irrésistibles de fantaisie et d’abattage.
Le juvénile quintette vocal se double de comédiens irrésistibles de fantaisie et d’abattage.
Christian Colombeau
08/12/2008
Deux sopranos : la blonde scandinave Ina Kringelborn (Sandrina qui a le feu aux fesses car vraie fausse sainte-nitouche) et la brune portugaise Eduarda Melo (Vespina, piquante maîtresse de ce Jeux de l’amour et du hasard campagnard), justement ovationnée pour sa jolie performance vocale fruitée et dramatique aux sympathiques changements de voix, d’allures et d’accents. Le ténor Julian Pregardien tire habilement sont épingle du jeu avec un Nencio nanti prétentieux, pathétique et ridicule face au baryton Thomas Tatzi qui prête son chant généreux, incisif, presque animal à l’amoureux Nanni.
Remplaçant l’artiste initialement annoncé, le bientôt vétéran Yves Saelens, campe un Filippo autoritaire, père abusif, idéal de cruauté et... vrai dindon de la farce, avec une voix de ténor léger, à la belle ligne vocale on ne peut plus bouffe. On ne connaissait Jérémie Rohrer que de nom. En totale symbiose avec la vision scénique, le jeune chef fait chanter la partition dans un réjouissant équilibre sonore, avec une joie communicative, une conviction de tous les instants, une allégresse toute communicative, le Cercle de l’Harmonie, formation composée d’une vingtaine de musiciens rompus à ce répertoire fin XVIIIe.
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