 Caubère est sur les planches du Sorano pour trois jours. Il faut être fou pour le manquer !
Philippe Caubère, un acteur, un auteur, un interprète d’exception. On l’avait déjà vu au Sorano avec son double Ferdinand, aujourd’hui il revient nous faire (re)découvrir les textes d’André Benedetto. Et c’est un coup de poing magistral ! On en prend plein les yeux, les oreilles, le cur et les tripes. Pendant près de deux heures, il nous fait frissonner, rire, sourire et pleurer.
Une création originale où on retrouve la patte de l’auteur. Un plateau nu avec, cette fois, un écran derrière un rideau s’ouvrant de temps à autre sur des photos ou des vidéos des poètes et des événements cités. Pour accompagner le comédien dont nous avons plus l’habitude de voir seul sur le plateau habité par les nombreux personnages qu’il incarne, un magicien de la guitare : Jérémy Campagne. Installé en fond de scène avec tout son "fatras" d’instruments, il colore le spectacle d’une ambiance qui résonne très psychédélique et beat generation.
Car c’est ça Urgent, crier !. Philippe, avec les mots (et l’accent) de Benedetto, revient sur l’importance du mouvement contestataire des années 60-70. Il nous parle de l’acteur, du théâtre, de l’art, de son implication, de sa résonance, de sa vibration... De ces artistes qui ont élevé leur voix, qui ont cherché dans les tréfonds de l’âme pour essayer de comprendre ce qu’est la vie et de la retransmettre au mieux dans leur art. Il nous parle de ces hommes qui ont apporté un souffle nouveau dans notre interprétation du monde.
Benedetto décortique Jean Vilar, Antonin Artaud, Bertolt Brecht et Gilles Sandier. Les plus jeunes découvriront sûrement des auteurs, poètes, acteurs de génie (en espérant que cela leur donne l’envie d’approfondir cette découverte) et les plus âgés se remémoreront une jeunesse teinte d’envie et de rébellion. En tout cas, cette époque n’est pas révolue. 1968 à insufflé une énergie qui fait son chemin. Comme le fait remarquer Caubère, à juste titre, les jeunes d’aujourd’hui sont attirés par cet esprit d’élévation et de liberté. La beat generation trouve son écho ici et maintenant.
Le duo Caubère et Campagne fonctionne à merveille. Le monologue devient concert avec fumée et effets de lumière. Jérémy reprend Jimi Hendrix, les Doors sous fond d’images de rassemblement lors de festival comme Woodstock ou de marche contestataire. Et tel Jim Morrison, chaman et Roi Lézard, Caubère nous balance les mots et parfois même les crie dans son micro. Véritable voyage psychédélique, on se laisse transporter par le "show".
Un hommage vibrant à Benedetto, décédé en 2009, par un habitué du festival Avignon depuis de nombreuses années. Un travail difficile et audacieux, bien loin des monologues tragi/comique du célèbre Roman d’un acteur. Certains spectateurs ne s’attendaient pas à cela et ne sont pas séduits. En tout cas, Urgent, crier ! ne laisse pas indifférent. Un spectacle encore tout frais qui, pour ceux qui seront happés par la force des textes, de l’interprétation et de la mise en scène, remuera beaucoup de choses. Philippe Caubère a beaucoup à nous dire, aujourd’hui tout particulièrement, et c’est au travers de Benedetto, grand artiste qu’il respecte et admire, qu’il le transmet. A nous maintenant de nous réveiller ! |