Lire un extrait : [site] (Feuilleter). Malgré l’apparente dislocation narrative des deux membres de la pièce (avant et après le passage de Gérard sous le train), la jonction sous-tendue préexiste. À la première partie, axée sur le fait de se reconnaître ou non le droit d’aimer, la deuxième partie répond en écho sur le thème de l’auto­censure artistique. La fuite du temps (et son refus) évoquée par Marthe/Jeanne se niche au cœur de la problématique de l’artiste. La contraction temporelle n’est en soi gênante que si l’on doit, en ce temps imparti, assumer des tâches vitales qui ne sont pas – elles – réductibles. L’artiste pourrait être synthétisé par la conjonction des états d’âme de Marthe et de Gérard : être aimé ou non, être censuré ou non, s’aimer ou non, se censurer ou non ? Gérard amorce une réflexion plus profonde sur l’essence même de l’artiste engagé (pléonasme), sur ses raisons d’être. Dénoncer (en montrant) c’est inciter. Renoncer (à dénoncer) c’est cautionner. Alors, propose ! Que ta proposition soit dénonciation implicite. Au minimum, deux lectures de la censure évoquée dans Sommes-nous vivants ?, sont envisageables. Tout d’abord, si l’on s’accroche au vé­risme de la représentation, on pourra saisir tout le danger de la censure imposée par un pouvoir – illégitime de fait. Et si l’on est porté par l’al­légorie de l’autocensure, on comprendra l’insoluble équation des choix de l’artiste : Si je veux être aimé des autres, je vais pratiquer l’autocensure. Au risque de ne pas m’aimer pour cet acte de lâcheté. Si je veux m’aimer, je ne vais pas pratiquer l’autocensure. Au risque de ne pas être aimé d’autrui pour cet acte de cruauté.

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