Premier prix du concours d'auteurs du Petit théâtre de Vallière. Une pièce écrite à la demande d’une association de prévention et de réinsertion en matière de prostitution. "Descentes" ou la chute d’une femme dans l’enfer de la prostitution. Marina est une jeune fille comme les autres. Dans les galères quotidiennes d’une existence banale. Les petits boulots, les fins de mois difficiles, les amours contrariés. Rien de plus. Rien de grave. Sa rencontre avec une jeune femme, faussement prévenante, associé à sa candeur naturelle, vont l’entraîner dans l’univers sombre d’un réseau de prostitution. Violence mentale et physique, espace clos, horizon bouché, addictions de toutes sortes... Marina oscillera entre révolte, avilissement et résignation. A moins que ne survive l’infime espoir d’une échappatoire. Et si toute cette histoire n’était qu’un mauvais rêve ?
Il y a deux ans, par le biais d’une amie comédienne, le hasard m’a mené jusqu’un charmant monsieur retraité, qui consacrait son temps à une association en charge de réinsertion et de prévention autour de la prostitution. Un homme bon, disponible et lucide. L’idée a immédiatement germé de monter une pièce sur le sujet, un outil supplémentaire pour pousser un cri d’alarme. Une sensibilisation à un méfait humain. Et le projet était lancé. Le cahier des charges, forcément lourd au vue du sujet, méritait un travail préparatoire afin de ne pas verser dans l’édification indigeste et froide d’un inventaire sans Prévert. Attention danger et point final ? Un peu court, jeune homme ! Lectures, témoignages, films... L’imprégnation fut progressive. Mon premier choix fut de refuser d’aller interroger ce monde nocturne, de m’immiscer dans la réalité de ces femmes et hommes qui ne sont ni des cobayes, ni des bêtes curieuses. Question de pudeur ou de respect. Une évidence comme point de départ. La beauté de la rencontre avec cet être exquis était à mettre directement en parallèle avec les mauvaises rencontres que d’aucuns peuvent connaître. Alors que je cogitais, quelques semaines avant de me lancer dans l’écriture, je découvris justement une pièce sur le même thème, au festival Off d’Avignon 2009. Un choc. Je vis sur scène tout ce que je ne voulais pas développer : nudité totale et quasi permanente de la comédienne, cautionnement littéraire, provocations vulgaires, agressivité facile, pas ou peu d’humour, aucune dramaturgie, juste des bribes de vies jetées en pâture à un public voyeur, à la fois gêné et complice. Malaise palpable à la sortie. Quel était l’impact réel de ce spectacle ? On ne retenait que la performance d’une comédienne, comme le miroir de ce que nous ne pourrions pas oser être. S’offrir ainsi aux regards de son public comme une pute vend son corps à ses clients. Et un discours limité : Halte à l’hypocrisie ! Oui, et après ? Après ? Rien. Il manquait l’essentiel : Des émotions vraies. Une histoire à raconter. Une implication voire une identification possible des spectateurs. Bref, tout ce qui fait la force d’une uvre de théâtre. La gageure : Incarner la désincarnation des âmes. Dès lors, les éléments se sont mis en place. La matière première serait puisée dans un livret de témoignages, puissants et émouvants, crus, sans ambiguïté, très concrets et en même temps, si symboliques. Une idée maîtresse en jaillit. Ces femmes et ces hommes qui ont connu l’asphalte ont tous été marqués par leur rapport mal défini à la société. Leur questionnement sur le métier qu’ils pratiquent est permanent. Est-ce vraiment un métier d’ailleurs ? En termes d’identité sociale comme de morale, la question est posée. Par eux, par leurs clients, par nous tous. Et c’est là que naquit une des scènes majeures de "Descentes" : l’entretien d’embauche. Un rendez-vous professionnel au mot près. Références, recommandations, compétences... Toute la violence de la prostitution résumée en quelques pages absurdes. Le rire devient exutoire par la force de l’évocation. Je définis mon personnage principal, Marina. Unique et universelle à la fois. Naïve et forte. Décente et piégée. Puis Marc, manipulateur et cynique. Le mac forcément antipathique mais tristement humain. Enfin, s’imposa le personnage de la vieille femme. Sorte de fil rouge gouailleur et désabusé. C’est elle qui apporte le recul, l’analyse sur les dégâts collatéraux occasionnés par des années de trottoir. Un supplément d’âme vital au propos, ancré dans une fausse poésie des faubourgs. Pas de jugement radical mais le seul constat de la misère humaine pris comme source de réflexions. Qui sont les coupables ? Qui sont les victimes ? Le parcours de Marina, présenté en accéléré, n’épargne pas les clients. Leur ronde fait l’objet d’une autre scène importante. Où l’on constate qu’eux non plus ne sont pas fiers, qu’ils s’interrogent sur le sens de leurs fréquentations tarifées. Il s’agissait de dresser un portrait global sans concession, sans occulter la sordide réalité du terrain. Avec la trilogie basique "sexe, drogues et alcool". Avec sa part de démesure. Avec son humanité glauque sans cesse remise en cause. Il s’agissait aussi et surtout de raconter l’histoire de Marina. Une jeune fille simple transformée par une épreuve fondatrice. Elle ne deviendra pas la Jeanne d’Arc des putains. Mais elle incarne une étincelle de vie dans les yeux éteints de ses semblables.
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