Afin de nous raconter "la folle et véritable vie de Luigi Prizzoti", Edouard Baer a réuni toute une troupe sur scène. Chanteurs, musiciens, acrobates, comiques l’entourent le temps d’une représentation qui s’apparente à un show de cabaret, voire de cirque. Chacun fait son "numéro" et l’ensemble est censé servir à reconstituer la vie d’artiste du héros, Luigi. Ce même héros, interprété bien évidemment par Edouard Baer, étant à la fois acteur, narrateur (et auteur) de sa propre existence, organise tout ce petit monde autour de lui. Tour à tour clown ou metteur en scène, il amuse la salle et orchestre le délire collectif.Les festivités s’annoncent ainsi pour le mieux : Baer ouvre le show par une piquante apostrophe au public, juste après qu’une vraie fausse ouvreuse a rappelé d’éteindre les téléphones portables, de ne pas tousser trop fort (ou de le faire en même temps que tout le monde, au moment prévu à cet effet) et de rallier le 34 du boulevard en cas d’incendie (du moins pour les survivants !). Les débuts de l’épopée prizzotienne sont tout aussi drôles et loufoques : l’accouchement multiple (et même exponentiel !) de la mère, l’apparition d’un Luigi déjà grand et tout habillé au milieu de la ribambelle de poupons nouveaux nés, les dîners-batailles de spaghetti de la famille, les rêveries solitaires du petit Luigi, accompagné parfois d’un oiseau bleu bien étrange (si, si, les oiseaux bleus savent très bien parodier les spots publicitaires !), ses premiers pas dans le show-biz, entouré de nymphomanes, de clowns ratés et d’autres talents improbables... Les tableaux s’enchaînent avec un bon rythme et avec une certaine cohérence ; le tout est parsemé d’un petit grain de folie burlesque, qui n’est pas sans nous déplaire. On retrouve l’esprit du Baer de Canal plus, son goût pour l’absurde, ses délires verbaux (et verbeux) ; bref, on passe un bon moment.Cependant, arrive la deuxième partie (disons la deuxième et dernière heure de spectacle) et, avec elle, un petit relâchement, un amollissement du rythme et une baisse de la qualité des sketchs. On oublie malheureusement la vie de Luigi, qui n’est plus que prétexte à une succession de numéros très inégaux. Le fil conducteur est rompu, le délire dissout et les rires de plus en plus rares. A trop vouloir en ajouter, Edouard Baer le metteur en scène a dilué au sein de ce cabaret géant le plus intéressant : l’histoire bouffonne de son Luigi. Baer l’auteur nous a, en outre, ôté l’un de nos plus grands plaisirs : voir Edouard l’acteur faire son show.