On l’oublie trop souvent, le Théâtre de la Huchette ne donne pas que du Ionesco ! Après La Cantatrice chauve, suivie de La Leçon, une pièce nouvelle est présentée tous les trois mois environ au public de cette petite salle incontournable du Quartier Latin. C’est ainsi que depuis quelques jours, les personnages farfelus du théâtre de l’absurde cèdent la scène à 21 heures à ceux d’un théâtre très romantique. Non pas celui qu’aurait pu écrire Alfred de Musset, en marge des Caprices de Marianne ou de Lorenzaccio, mais une pièce récente – qui fit salle comble au festival d’Avignon 2005 – et dont l’une des figures principales n’est autre que... Musset lui-même ! Un dandy plus romantique encore que ses personnages de fiction, à l’instar de celle qui partage la vedette de cette affiche, la non moins romantique George Sand...C’est que de 1833 à 1835, une liaison tumultueuse les a rapprochés, elle et lui. Elle : une romancière "garçonne", dont les textes exhalent un parfum de scandale. Lui : un poète prodige de 23 ans, qui mène une vie nocturne dans l’ébriété et la débauche. Une relation, donc, qui ne pouvait qu’être marquée du sceau fascinant de la démesure. De Paris à Venise et de Venise à Paris, les amants s’attirent et se repoussent, s’aiment et se déchirent, tout en défrayant la chronique parisienne, qui fait des gorges chaudes de cette aventure si romanesque. On l’aura compris, la passion exacerbée est le moteur principal de cette fresque historique où défilent en arrière-plan d’autres amants du siècle : Vigny et Marie Dorval, Hugo et Juliette Drouet, Liszt et Marie d’Agoult, tandis que le souvenir de Sandeau hante encore Sand et que la silhouette de Chopin est en train de poindre à l’horizon de cette courte tranche de vie – sans parler, bien sûr, de l’amitié ambiguë qui unit tout au long de la pièce George et Marie Dorval. Un spectacle au rythme soutenu, des décors et des costumes à la fois sobres et pittoresques, des acteurs qui ont l’âge du rôle et jouent sans concession : bref, ceux qui adorent ce pan en rouge et noir de notre histoire littéraire seront certainement séduits.