Antigone
de Sophocle
Mise en scène de Jean-Luc Jeener
Avec Selma Noret-Terraz, Laetitia Hernot, Richard Feriot, Romain Héricotte
L’éveil de la conscience par un auteur du cinquième siècle avant notre ère. Texte haletant mais complètement réécrit.
Les deux fils d’Œdipe se sont entretués. Ils avaient pourtant trouvé un arrangement : à tour de rôle, chaque année, ils devenaient rois. Quand Etéocle gouvernait Thèbes, la paix amenait la prospérité. Avec Polynice, c’était le contraire et la cité sombrait dans la tyrannie. Ivre d’ambition, celui-ci, une année, refusa de céder son trône. Bien que maudit par son père – Œdipe aux yeux crevés, réfugié à Colonne – Polynice se maintint au pouvoir, entamant la guerre avec son frère. La coalition qu’il mena sombra et il y eut tant de victimes que les deux protagonistes en vinrent à un duel à mort où tous deux périrent. Parmi les nombreux Thébains, retrouvés sur le champ de bataille, figurait Mégarée, un fils de Créon.
Quand la pièce débute, Antigone, fille d’Œdipe, s’adresse à sa sœur Ismène, sa dernière sœur. Elle déplore ce qui est arrivé, mais encore plus le décret que vient de prendre Créon. Jugé responsable du désastre qui a eu lieu pensant peut-être à son propre fils il proscrit toutes funérailles à Polynice. Antigone s’en émeut : "La sépulture due à nos deux frères, Créon ne prétend-il pas l’accorder à l’un et en spolier l’autre ? On dit qu’il a enseveli Etéocle selon le rite, afin de lui assurer auprès des morts un accueil honorable et c’était son devoir ; mais malheureux Polynice, il défend par édit qu’on l’enterre et qu’on le pleure : il faut l’abandonner sans larmes, sans tombe, pâture aux oiseaux carnassiers."
Antigone, qui est plus une enfant qu’une jeune femme, s’enflamme petit à petit. Elle parle au nom du devoir inné qui incombe aux vivants. Et, par là même entre en résistance. Elle sait ce qu’il risque de lui arriver : la lapidation. Ismène voudrait sans doute suivre sa sœur mais elle n’en a pas la force, le destin aveugle qui accable la famille lui suffit. Et puis ajoute-t-elle : "désobéir aux lois de la cité, j’en serais bien incapable."
Enfin Créon apparaît, imbu de sa personne. Antigone se heurte à ce rocher fait d’orgueil. Elle lui rappelle que, bien que roi simple mortel, il a le devoir de respecter les lois divines, lois non écrites mais intangibles." Traduction : les droits fondamentaux, coutumiers, l’emportent sur l’ordonnance d’un dictateur, le droit inné quasi-religieux sur la volonté d’une cité. Créon, prêt à écraser cet insecte, s’en prend maintenant Ismène sans doute la complice de sa sœur. Antigone proteste, défendant le libre-arbitre de celle-ci. Mais Ismène, depuis la longue conversation avec son aînée, a réfléchi et devant le dictateur se déclare complice… et résistante. Les condamnations sont sur le point de tomber. Quelqu’un a alors recours à Tirésias, le devin officiel de Thèbes et celui qui, en son temps, a révélé le crime d’Œdipe. Il tente cette fois de calmer le jeu et de faire fléchir Créon, mais le drame est déjà joué.
Ecrite en 442 avant Jésus-Christ, Antigone est le modèle de la tragédie avec une action qui ne faiblit pas une seconde. Jean-Luc Jenner l’a mise en scène, après une adaptation toute personnelle, coupant certaines scènes, faisant disparaître le coryphée et certains personnages. Mais cette réécriture donne de l’oxygène au texte ainsi et qu’une action particulièrement ramassée. Oublions donc cette petite entorse. Le dialogue des deux sœurs est magnifique, l’une en majeur, l’autre en mineur (Selma Noret-Terraz et Laetitia Hernot). Le crescendo d’Antigone face à Créon est éprouvant. Ce dictateur drapé dans sa toge est campé avec grandeur par Richard Fériot dont on avait apprécié la prestation dans Les Adieux du camarade Solitiaritch. Tout en nuances, il joue comme un chat avec une souris … mais un chat qui aurait lu Machiavel. Romain Héricotte est un Tirésias crédible , peut-être plus que son bâton de magicien évoquant la Grèce primitive, celle d’un obscurantisme encore visible chez Eschyle. Mais ici, chez Sophocle, les divinités qui parlent à travers Tirésias sont moins aveugles et le magicien pourrait prendre à son compte la réplique-phare d’Antigone : "Je suis faite pour partager l’amour, pas la haine.
Pour ma part, je me replierai sur une autre réplique, que l’on doit à l’auteur d’une autre Antigone, Jean Anouilh :
"Sans la petite Antigone, ils auraient été bien tranquilles."
Ils, c’est-à-dire les autres. Antigone, c’est-à-dire notre conscience.
Quand la pièce débute, Antigone, fille d’Œdipe, s’adresse à sa sœur Ismène, sa dernière sœur. Elle déplore ce qui est arrivé, mais encore plus le décret que vient de prendre Créon. Jugé responsable du désastre qui a eu lieu pensant peut-être à son propre fils il proscrit toutes funérailles à Polynice. Antigone s’en émeut : "La sépulture due à nos deux frères, Créon ne prétend-il pas l’accorder à l’un et en spolier l’autre ? On dit qu’il a enseveli Etéocle selon le rite, afin de lui assurer auprès des morts un accueil honorable et c’était son devoir ; mais malheureux Polynice, il défend par édit qu’on l’enterre et qu’on le pleure : il faut l’abandonner sans larmes, sans tombe, pâture aux oiseaux carnassiers."
Antigone, qui est plus une enfant qu’une jeune femme, s’enflamme petit à petit. Elle parle au nom du devoir inné qui incombe aux vivants. Et, par là même entre en résistance. Elle sait ce qu’il risque de lui arriver : la lapidation. Ismène voudrait sans doute suivre sa sœur mais elle n’en a pas la force, le destin aveugle qui accable la famille lui suffit. Et puis ajoute-t-elle : "désobéir aux lois de la cité, j’en serais bien incapable."
Enfin Créon apparaît, imbu de sa personne. Antigone se heurte à ce rocher fait d’orgueil. Elle lui rappelle que, bien que roi simple mortel, il a le devoir de respecter les lois divines, lois non écrites mais intangibles." Traduction : les droits fondamentaux, coutumiers, l’emportent sur l’ordonnance d’un dictateur, le droit inné quasi-religieux sur la volonté d’une cité. Créon, prêt à écraser cet insecte, s’en prend maintenant Ismène sans doute la complice de sa sœur. Antigone proteste, défendant le libre-arbitre de celle-ci. Mais Ismène, depuis la longue conversation avec son aînée, a réfléchi et devant le dictateur se déclare complice… et résistante. Les condamnations sont sur le point de tomber. Quelqu’un a alors recours à Tirésias, le devin officiel de Thèbes et celui qui, en son temps, a révélé le crime d’Œdipe. Il tente cette fois de calmer le jeu et de faire fléchir Créon, mais le drame est déjà joué.
Ecrite en 442 avant Jésus-Christ, Antigone est le modèle de la tragédie avec une action qui ne faiblit pas une seconde. Jean-Luc Jenner l’a mise en scène, après une adaptation toute personnelle, coupant certaines scènes, faisant disparaître le coryphée et certains personnages. Mais cette réécriture donne de l’oxygène au texte ainsi et qu’une action particulièrement ramassée. Oublions donc cette petite entorse. Le dialogue des deux sœurs est magnifique, l’une en majeur, l’autre en mineur (Selma Noret-Terraz et Laetitia Hernot). Le crescendo d’Antigone face à Créon est éprouvant. Ce dictateur drapé dans sa toge est campé avec grandeur par Richard Fériot dont on avait apprécié la prestation dans Les Adieux du camarade Solitiaritch. Tout en nuances, il joue comme un chat avec une souris … mais un chat qui aurait lu Machiavel. Romain Héricotte est un Tirésias crédible , peut-être plus que son bâton de magicien évoquant la Grèce primitive, celle d’un obscurantisme encore visible chez Eschyle. Mais ici, chez Sophocle, les divinités qui parlent à travers Tirésias sont moins aveugles et le magicien pourrait prendre à son compte la réplique-phare d’Antigone : "Je suis faite pour partager l’amour, pas la haine.
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Pierre Breant
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