La Cantatrice Chauve
de Eugène Ionesco
Mise en scène de Judith Andrès
Avec Judith Andrès, Brice Borg, Sophie Le Gardes, Sara Lo Voi, Luca Teodori, Célian d’Auvigny
Une pièce qui semble écrite avant-hier, donc un Ionesco sans une ride, dans une mise en scène efficace et "libérée", avec des comédiens frais émoulus du Cours Florent et une gestuelle à vous faire frémir.
Fini le salon cosy de Mr et Mrs Smith ! L’intérieur tout britannique a laissé place à une boîte géante dont les murs sont constellés d’horloges. Ainsi le Temps est plus que présent. Grand fossoyeur ou idéal d’une société à la devise : "Time is money" ? Ce que l’on pourrait traduire par : Productivité à tout va… Je serais même tenté d’ajouter le mot : Mondialisation. En ce deuxième millénaire, Mr et Mrs Smith n’ont plus l’apparence de petits bourgeois épuisés, comme dans la mise en scène de la création – mise en scène de Nicolas Bataille, aux Noctambules en 1950 puis au Théâtre de La Huchette jusqu’à ce jour. Avec leur côté jeune cadre, ces personnage sont la copie conforme de hommes et femmes politiques : costume sombre et chemise blanche, grands yeux de biche, pommettes rosées, robe noire seyante, un peu trop courtes et laissant voire les cuisses, coiffure relevée, belle frimousse…
La pièce commence sur un ding-dong qu’ils lancent tous deux d’une voix de stentor, mimant l’inclinaison du balancier. On se rend vite compte que ce sont des personnages sans âme, mais des fantoches, voire des automates qui se déplacent en glissant sur le parquet. Mais la conversation prend une allure de plus en plus décousue et inattendue. Ainsi font-ils part de leur surprise en apprenant, par le journal, la mort d’un certain Bob Watson. Or ce journal date de trois ans. A bien y réfléchir, ils ont même assisté à l’enterrement. Et, de cette histoire saugrenue, Mr Smith ne retient qu’une chose : pourquoi toujours mentionner l’âge des personnes décédées, alors qu’on ne mentionne jamais celui des nouveaux nés ?
Deuxième séquence. La bonne introduit un nouveau couple, exacte réplique de Mr et Mrs Smith - attitude et vêtements. Spontanément la femme s’assied sur les genoux de l’homme, mais celui-ci la repousse. Enfin, question de décence ! La conversation s’amorce comme si de rien n’était. Oublié cette entrée cavalière ! Ils sympathisent d’autant plus qu les points communs se multiplient entre eux : tous deux viennent de Manchester, tous deux ont pris le même train, tous deux sont arrivés à Londres, tous deux habitent le même hôtel, la même chambre dans le même couloir. Tous deux s’aperçoivent qu’ils ont chacun une fille dont – particularité ! – celle-ci a un œil blanc et l’autre rouge. S’apercevant qu’ils couchent dans le même lit, ils sont donc mari et femme. Ca, ils l’avaient oublié ! La bonne réapparait, avec son petit tablier et futée comme une domestique de Molière. Elle révèle au public qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Affirmation péremptoire et pas lancée par n’importe qui ! Cette bonne en fait n’est autre que Sherlock Holmes.
Partant d’un pastiche de la Méthode Assimil, Eugène Ionesco signe là le manifeste de L’absurde, invitant le public des années cinquante à se projeter dans ce jeu dont chaque réplique en contient une nouvelle, à peine suggérée. Poussant l’action jusqu’au bout, les miroirs s’ouvrent, se referment. On se perd parfois dans la profondeur du champ. Cette scène de l’absurde devient le palais des mirages.
Le mérite de la production de Judith Andrès est d’en arracher tous les oripeaux et de bannir les tics de la mise en scène traditionnelle. Ainsi disparaît tout ce qui peut alourdir le texte et court-circuiter le jeu. Aujourd’hui, on est loin de la satire du théâtre de boulevard. D’autres préoccupations en 2017 animent le public. Avec des comédiens frais émoulus du Cours Florent, Judith Andrès impose une cohérence et une gestuelle à cet ensemble proche du mime Marceau ou de Jean-Louis Barrault des Enfants du Paradis. Quant au petits pas rythmés de la bonne ou de Mrs Smith, ils sont tout droit dans la lignée de Play-Time, le film de Jacques Tati. Mais revenons aux membres de cette troupe, tous méritent même éloge parce qu’ils jouent collectif : Judith Andrès, Brice Borg, Sophie Le Garles, Sara Lo Voi, Luca Teodori et Célian d’Auvigny !
Le dernier mot revient à Ionesco lui-même, comme si au-delà de la tombe, il devait saluer cette production : "La Cantatrice Chauve : un tour de prestidigitation."
La pièce commence sur un ding-dong qu’ils lancent tous deux d’une voix de stentor, mimant l’inclinaison du balancier. On se rend vite compte que ce sont des personnages sans âme, mais des fantoches, voire des automates qui se déplacent en glissant sur le parquet. Mais la conversation prend une allure de plus en plus décousue et inattendue. Ainsi font-ils part de leur surprise en apprenant, par le journal, la mort d’un certain Bob Watson. Or ce journal date de trois ans. A bien y réfléchir, ils ont même assisté à l’enterrement. Et, de cette histoire saugrenue, Mr Smith ne retient qu’une chose : pourquoi toujours mentionner l’âge des personnes décédées, alors qu’on ne mentionne jamais celui des nouveaux nés ?
Deuxième séquence. La bonne introduit un nouveau couple, exacte réplique de Mr et Mrs Smith - attitude et vêtements. Spontanément la femme s’assied sur les genoux de l’homme, mais celui-ci la repousse. Enfin, question de décence ! La conversation s’amorce comme si de rien n’était. Oublié cette entrée cavalière ! Ils sympathisent d’autant plus qu les points communs se multiplient entre eux : tous deux viennent de Manchester, tous deux ont pris le même train, tous deux sont arrivés à Londres, tous deux habitent le même hôtel, la même chambre dans le même couloir. Tous deux s’aperçoivent qu’ils ont chacun une fille dont – particularité ! – celle-ci a un œil blanc et l’autre rouge. S’apercevant qu’ils couchent dans le même lit, ils sont donc mari et femme. Ca, ils l’avaient oublié ! La bonne réapparait, avec son petit tablier et futée comme une domestique de Molière. Elle révèle au public qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Affirmation péremptoire et pas lancée par n’importe qui ! Cette bonne en fait n’est autre que Sherlock Holmes.
Partant d’un pastiche de la Méthode Assimil, Eugène Ionesco signe là le manifeste de L’absurde, invitant le public des années cinquante à se projeter dans ce jeu dont chaque réplique en contient une nouvelle, à peine suggérée. Poussant l’action jusqu’au bout, les miroirs s’ouvrent, se referment. On se perd parfois dans la profondeur du champ. Cette scène de l’absurde devient le palais des mirages.
Le mérite de la production de Judith Andrès est d’en arracher tous les oripeaux et de bannir les tics de la mise en scène traditionnelle. Ainsi disparaît tout ce qui peut alourdir le texte et court-circuiter le jeu. Aujourd’hui, on est loin de la satire du théâtre de boulevard. D’autres préoccupations en 2017 animent le public. Avec des comédiens frais émoulus du Cours Florent, Judith Andrès impose une cohérence et une gestuelle à cet ensemble proche du mime Marceau ou de Jean-Louis Barrault des Enfants du Paradis. Quant au petits pas rythmés de la bonne ou de Mrs Smith, ils sont tout droit dans la lignée de Play-Time, le film de Jacques Tati. Mais revenons aux membres de cette troupe, tous méritent même éloge parce qu’ils jouent collectif : Judith Andrès, Brice Borg, Sophie Le Garles, Sara Lo Voi, Luca Teodori et Célian d’Auvigny !
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Pierre Breant
31/08/2017
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