Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable
de Romain Gary
Mise en scène de Jean-Pierre Bernard
Avec Jean-Pierre Bernard
Compagnon de la Libération, il a tenu à assister aux obsèques du Général de Gaulle en vareuse militaire ; consul général à Los Angeles, il séduit, en costume de lin blanc, l’égérie de la Nouvelle Vague ; l’épousant quelque temps plus tard, il l’oblige à tourner un film où, héroïne nymphomane, elle se donne à tous les hommes sur une plage ; écrivain reconnu, il reçoit deux fois le Prix Goncourt. Marié trois fois, cet homme plein de panache, c’est Romain Gary.
Or, Gary est là. Installé à son bureau, il s’adresse au public. L’impression est frappante et Jean-Pierre Bernard se coule dans le personnage avec un costume croisé des années soixante-dix. Il porte beau et sa crinière tire plus sur le blanc que le gris. Les yeux s’éteignent parfois, mais la voix est prégnante, du violoncelle. Quand il se lève de son siège, il amorce un effort. L’âge est là. Et bien là. Avec ses petits manquements, ses épreuves. Il "meurt en détails", pour reprendre le mot de Voltaire. L’histoire qu’il nous conte est celle d’un industriel puissant, Jacques Rainier, qui, justement, se sent de devenir impuissant. D’une part, ses affaires périclitent. Et d’autre part, sa virilité lui échappe, alors qu’il vit un grand amour avec Laura, une brésilienne de plus de trente ans sa cadette. On comprend très vite que dernière Jacques se cache Romain Gary, celui qui a épousé Jane Seberg, l’héroïne d’A bout de souffle et de « La Nouvelle Vague ». Elle aussi était jeune, insatiable et parfois infidèle. C’est ainsi que lors d’un tournage, Gary apprend que sa femme s’est éprise de Clint Eastwood. Il saute dans un avion et le provoque aussitôt en duel, mais le « cow-boy » se défile…
Ici, dans la fiction, Jacques Rainier s’imagine qu’il vit le parfait amour. Il est d’ailleurs à Venise et le hasard veut qu’il croise un homme de son âge qui, en lui, sème le doute : la panne est toujours possible. En langage assez cru mais avec un humour ravageur, l’auteur amorce, sous forme de rigolade, les stations d’un véritable chemin de croix. Les portraits fusent. Comme celui de cet ex-médecin militaire, qui hache son discours à la manière de Jouvet, mais avec le pathétisme du Général, tout cela pour parler de prostate et du "jet en forme d’arc". Les conseils rabâchés "Songez à vos artères ! Dites-vous bien qu’à votre âge, on ne peut pas tout faire !" débouchent sur une querelle de mecs et de vieux machos, tandis que la question de fond se pose toujours : peut-on encore relever la Tour de Pise ?...
Si l’auteur dessine les contours de la belle Laura en tenue affriolante, il relate en détail sa visite à une vieille connaissance : le belle Marlène qui, échappée du One-two-two, s’est résolue à monter sa propre maison de rendez-vous. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, mais elle connait les hommes sur le bout des doigts. Les hommes qui viennent tous chez elle pour faire pschitt... Le portrait est plus que savoureux. Troisième évocation, celle d’un monte-en-l’air surpris dans la chambre de Laura … un voleur d’ailleurs bien poli ! Mais a-t-il vraiment existé ou bien est-il le fantasme dont il a besoin, quand, dans les bras de Laura, il manifeste sa virilité ?
Ce monologue, à partir d’un texte si complexe où Romain Gary joue avec les mots et la syntaxe, a quelque chose de revigorant. Et, au fur et à mesure de la pièce, on rit de plus en plus et de moins en moins jaune. Quant à l’acteur, Jean-Pierre Bernard celui qu’on a connu chez Jean-Louis Barrault, ou dans la dramatique télévisée, Adelaïde, d’après Gobineau, enfin dans La Hobereaute de Jacques Audiberti. - non seulement il colle au personnage, mais il le fignole, dénonçant par la même occasion tous ses faux semblants. Il est troublant, un brin pathétique quoique sa pudeur se refuse d’emprunter de ce chemin-là et tout simplement humain. Jean-Pierre Bernard a adapté lui-même le texte, voyant en Romain Gary son nouveau père. L’acteur nous convainc. Et, si "au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable", un miracle se produit, guidé par le "cœur d’un saltimbanque" à moins que... Mais ne soyons pas pessimistes, ce n’est pas le ton de la pièce !
Or, Gary est là. Installé à son bureau, il s’adresse au public. L’impression est frappante et Jean-Pierre Bernard se coule dans le personnage avec un costume croisé des années soixante-dix. Il porte beau et sa crinière tire plus sur le blanc que le gris. Les yeux s’éteignent parfois, mais la voix est prégnante, du violoncelle. Quand il se lève de son siège, il amorce un effort. L’âge est là. Et bien là. Avec ses petits manquements, ses épreuves. Il "meurt en détails", pour reprendre le mot de Voltaire. L’histoire qu’il nous conte est celle d’un industriel puissant, Jacques Rainier, qui, justement, se sent de devenir impuissant. D’une part, ses affaires périclitent. Et d’autre part, sa virilité lui échappe, alors qu’il vit un grand amour avec Laura, une brésilienne de plus de trente ans sa cadette. On comprend très vite que dernière Jacques se cache Romain Gary, celui qui a épousé Jane Seberg, l’héroïne d’A bout de souffle et de « La Nouvelle Vague ». Elle aussi était jeune, insatiable et parfois infidèle. C’est ainsi que lors d’un tournage, Gary apprend que sa femme s’est éprise de Clint Eastwood. Il saute dans un avion et le provoque aussitôt en duel, mais le « cow-boy » se défile…
Ici, dans la fiction, Jacques Rainier s’imagine qu’il vit le parfait amour. Il est d’ailleurs à Venise et le hasard veut qu’il croise un homme de son âge qui, en lui, sème le doute : la panne est toujours possible. En langage assez cru mais avec un humour ravageur, l’auteur amorce, sous forme de rigolade, les stations d’un véritable chemin de croix. Les portraits fusent. Comme celui de cet ex-médecin militaire, qui hache son discours à la manière de Jouvet, mais avec le pathétisme du Général, tout cela pour parler de prostate et du "jet en forme d’arc". Les conseils rabâchés "Songez à vos artères ! Dites-vous bien qu’à votre âge, on ne peut pas tout faire !" débouchent sur une querelle de mecs et de vieux machos, tandis que la question de fond se pose toujours : peut-on encore relever la Tour de Pise ?...
Si l’auteur dessine les contours de la belle Laura en tenue affriolante, il relate en détail sa visite à une vieille connaissance : le belle Marlène qui, échappée du One-two-two, s’est résolue à monter sa propre maison de rendez-vous. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, mais elle connait les hommes sur le bout des doigts. Les hommes qui viennent tous chez elle pour faire pschitt... Le portrait est plus que savoureux. Troisième évocation, celle d’un monte-en-l’air surpris dans la chambre de Laura … un voleur d’ailleurs bien poli ! Mais a-t-il vraiment existé ou bien est-il le fantasme dont il a besoin, quand, dans les bras de Laura, il manifeste sa virilité ?
Ce monologue, à partir d’un texte si complexe où Romain Gary joue avec les mots et la syntaxe, a quelque chose de revigorant. Et, au fur et à mesure de la pièce, on rit de plus en plus et de moins en moins jaune. Quant à l’acteur, Jean-Pierre Bernard celui qu’on a connu chez Jean-Louis Barrault, ou dans la dramatique télévisée, Adelaïde, d’après Gobineau, enfin dans La Hobereaute de Jacques Audiberti. - non seulement il colle au personnage, mais il le fignole, dénonçant par la même occasion tous ses faux semblants. Il est troublant, un brin pathétique quoique sa pudeur se refuse d’emprunter de ce chemin-là et tout simplement humain. Jean-Pierre Bernard a adapté lui-même le texte, voyant en Romain Gary son nouveau père. L’acteur nous convainc. Et, si "au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable", un miracle se produit, guidé par le "cœur d’un saltimbanque" à moins que... Mais ne soyons pas pessimistes, ce n’est pas le ton de la pièce !
Pierre Breant
09/02/2017
AVIGNON
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Mise en scène de Mikael Chirinian
Marion Mezadorian, après son one woman show "Pépites", nous présente son deuxième spectacle intitulé "Craquage". Elle décortique des situations différentes les unes des autres, qui se terminent toutes inexorablement par la même conclusion : dire une bonne fois pour...
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Craquage
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A vos fables, prêt ? partez !
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