La Pelle du large s'inscrit sur la scène du Grand Parquet à la suite de Zigmund Follies. Deux créations de la Compagnie Philippe Genty artistiquement réussies, l'une et l'autre révèlent des trésors d'ingéniosité mêlés d'humanité, de poésie, de rêves grandeur nature. N'est-il pas plus bel endroit que le Grand Parquet pour venir voir des créations dignes de ce nom, des spectacles où le stéréotype n'existe pas.
La Pelle du large, un nouvel exil made by Philippe Genty & Compagnons. Hernan Bonet, Antoine Malfettes, Yoanelle Stratman à la barre de cette traversée des océans semée de rencontres mythologiques, de vents à contre-courant, d'amarres larguées sur des îles bercées par les illusions et leur inverse existentiels. Un spectacle construit avec des p'tits riens qui s'accordent à la matérialité du quotidien, un tire-bouchon, une passoire, un éventail, une pelle, un balai au manche cassé, une bassine. A ces ustensiles anodins, se greffent des objets fabriqués de toute pièce, un arbre à ciseaux à bout rond, des papillotes qui invitent à découvrir des personnages en pâte à modeler... Ces choses évoluent le spectacle durant sur une table recouverte d'une toile bleue, bleue comme les mers du sud, bleue comme les océans, bleue comme les horizons indéfinis.
La scénographie, le visuel prend place là où l'évasion est rendue possible par la lecture des récits d'Ulysse dans une version revue pour La Pelle du large. Homère se reconnaitrait-il dans l'écriture artistique de Philippe Genty ? A n'en point douter, car références sont faites à la Guerre de Troie et à son cheval éponyme, à Pénélope, à Télémaque, aux Cyclopes, à Circé, aux sirènes, à Poséidon, à Calypso.
Philippe Genty a réécrit une odyssée, son odyssée, laquelle est partagée par trois excellents comédiens, Hernan Bonet, Antoine Malfettes, Yoanelle Stratman. L'immémorialité de l'œuvre d'Homère se retrouve dans la mise en scène de Philippe Genty. Les influences philosophiques relatives au parcours labyrinthique que recèle l'existence et son foisonnement d'interrogations se lit dans le jeu des comédiens interprétant tour à tour Ulysse et ses compagnons de bord. Les dieux et les créatures de la mythologie deviennent aussi surprenants qu'insaisissables, familiers et étrangers. Les scènes de l'histoire d'Ulysse cherchant à retrouver Pénélope se font et se défont à un rythme soutenu et ne démentant jamais l'intrigue homérique riche en rebondissements.
Quelle n'est pas plus belle invention qu'une pelle ménagère surmontée d'un manche à balai pour traverser les eaux de l'univers pour aller rejoindre sa belle. Prêter l'attention aux p'tits riens de tous les jours, un office à la rêverie, une onde à l'évasion. A la manière d'André Gide, de Georges Perec, de Lise Beninca, les objets vivent en leur plume. Philippe Genty & Co donnent un sens nouveau à une pelle, une passoire, un manche à balai, un tire-bouchon... Des univers qui invitent à rouvrir les portes des placards, en sortir leur contenu, l'étaler à même le sol et tel un livre en pop-up, l'imagination dessine des histoires et prend forme en des personnages extraits de l'ailleurs.
La Pelle du large, une extraordinaire aventure à voir, à revoir et à partager en famille.