Régis Ivanov n'en est pas à son premier coup d'essai en tant qu'auteur de pièces de théâtre. Couronné du Premier Prix au Conservatoire Royal de Bruxelles, son style s'inscrit sur le répertoire des grands dramaturges. Lesquels caricaturent en pensée les faits marquants de l'histoire des hommes pour poser et peser le mot bien à-propos sur le papier. Aussi, n'est-il pas étonnant que nombre des textes d'Ivanov soient adaptés sur les scènes de Wallonie et côté Seine.Wish aborde avec gravité la surproduction mondiale des produits battant vent grâce ou à cause des conséquences de la mode. Dans le salon cossu du directeur d'une chaîne de magasins, Claudia est envoyée par la direction de Wish pour convaincre l'homme d'affaires de signer un contrat commercial. L'esprit Wish défend l'éthique commerciale en favorisant l'accessibilité de ses produits à la plus grande majorité, la jeunesse avide de nouveautés. Desembruns, sûr de lui, déstabilise la jeune femme en manifestant un cynisme proportionnellement dosé d'images négatives. Claudia, jeune et jolie, semble éprouver maintes difficultés à cerner les contours de son interlocuteur. Parviendra-t-elle à détourner l'attention de Desembruns à son avantage ?Le texte de Régis Ivanov pointe du doigt le système économique de la Chine, lequel prône la production à outrance de biens de grande consommation en faisant fi des contraintes de fabrication. Si "la Chine oblige les Chinois à vendre leur âme contre un sac de riz", la France doit se refaire une santé en réadaptant le modèle économique qui fit pencher la balance des exportations en sa faveur par le passé, le made in France.A génération opposée entre Claudia et Desembruns, les questions de marché rivalisent avec les arguments avérés de la mondialisation. Les échanges s'échafaudent sur la mode bousculant sans cesse les influences sociétales véhiculées par une clientèle de jeunes gens. L'addiction à la nouveauté gangrène l'économie de marché, les statistiques le démontrent. Un consommateur peut en dissimuler un autre, une mère de famille n'aura pas les mêmes besoins qu'un célibataire d'à peine vingt ans.La pièce d'Ivanov est riche d'allusions qui tracent la voie aux illusions, la réalité rejoint le rêve.
L'interprétation de Benoît Di Marco marque le durcissement des dirigeants d'entreprise qui se méfient du lendemain quand le présent déchante. Aussi sombre, peut-il se présenter, aussi réaliste peut-il se revendiquer. A croire, qu'il se positionne sur les deux plateaux de la balance commerciale.Marion Servole, quelle magnifique interprétation de Claudia ! A l'élégance du personnage, il convient d'associer l'exigence de la situation qu'elle gère sans froncer les plis du front. Elle présente à double titre la jeunesse exportée de Wish et importée par son âge, le ravissement n'a pas d'égal.La mise en scène, elle est le fruit de Régis Ivanov. A texte de grande qualité, le travail scénique l'est tout autant. Crise oblige, un détour au n°3 rue des Déchargeurs s'impose. See & Wish.