Le Bal
de Irène Mérmirovski
Mise en scène de Virginie Lemoine, Marie Chevalot
Avec Lucie Barret, Brigitte Faure, Serge Noel, Françoise Miquelis, Michel Tavernier
Le bal tant attendu qui devait annoncer l’ascension triomphante de la famille Kampf, sonnera finalement le glas de leur fin.
En 2004, le prix Renaudot est décerné à titre posthume à l’auteure Irène Mémirovski pour son roman Suite française. C’est à cette occasion que Virginie Lemoine découvre, comme beaucoup d’autres, cette auteure de talent au destin tragique. Irène Mémirovski était une romancière russe d’origine ukrainienne dont le français fut pratiquement la langue maternelle. Elle connaît tôt les affres des conflits et de l’exode avec la révolution de 1918 qui l’oblige, elle et toute sa famille, à se réfugier en Finlande, puis en France où elle s’établit à Paris. Son deuxième roman, David Golder, remporte un vif succès et la fait connaitre à travers le monde. Ce roman est d’ailleurs adapté au théâtre et au cinéma. De confession juive, Irène Mémirovski, son mari et leurs deux filles se voient contraints de fuir Paris lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale. En juillet 1942, Irène est arrêtée par les gendarmes français et envoyée à Auschwitz. Quelques semaines plus tard, elle meurt du typhus dans le camp. Bien des années passent avant que ces deux filles, Denise et Elisabeth, décident de faire publier les écrits de leur mère restés inconnus.Après sa rencontre avec les écrits et l’histoire d’Irène Mémirovki, Virginie Lemoine a le désir d’adapter à la scène Le Bal. Il lui faudra quatre années pour réaliser ce projet. La volonté, l’envie, le respect et la tendresse que Virginie porte à l’auteure ; une équipe de très bons comédiens ; le soutien du théâtre de la Huchette ; un partenariat avec le Mémorial de la Shoah et surtout l’aide précieuse de Denise Epstein, la fille ainée d’Irène Mémirovski, permettent de mener à bien ce projet. Et en un mot : c’est une réussite !La famille Kampf accède enfin à la richesse grâce à un récent coup financier organisé par le père. Eux qui hésitaient encore à changer leur vieux canapé tout défoncé il y a de cela quelques temps, se trouvent aujourd’hui très riches et entendent bien que cela se sache. Devenus pédants et hautains, ils méprisent les domestiques, étalent leur fortune, crachent sur le dos des autres riches et surtout se font passer pour ce qu’ils ne sont pas. Des personnes distinguées et de bonne famille. Pour célébrer et claironner leur réussite, Madame Kampf décide d’organiser un grand bal où sera réuni tout le gratin mondain. Plus de deux cents invités, des comtes, des marquis, un orchestre, du caviar, du faisan... cela promet d’être une soirée inoubliable. Et elle le sera en effet ! Tout se serait déroulé selon les plans de Madame Kampf si elle avait eu un tant soit peu plus de considération pour sa fille. Entendons-nous bien. Antoinette, la fille de M. et Mme Kampf, est une jeune adolescente de 14 ans qui rêve de faire son entrée dans le monde. Comme toutes les jeunes filles de son âge, elle rêve de garçons, d’amour, de belles robes, d’être considérée comme une femme et non plus traitée injustement comme une petite fille. Car il est vrai que Mme Kampf est odieuse avec sa fille. Cette dernière réprimande et humilie son enfant sans cesse. Comme si elle refusait que sa fille grandisse... Alors, bien évidement, Antoinette enrage et lorsque se présente l’occasion de se venger de sa mère mais également de son père qui ne dit mot et consent aux brimades de son épouse Antoinette ne peut pas laisser passer sa chance...Virginie Lemoine signe une adaptation fidèle de l’uvre d’Irène Mémirovski. Les textes sont originaux, seul le découpage permet un arrangement théâtral. La mise en scène est conçue comme un bâton de dynamite, la mèche s’enflamme et l’on se prépare à l’explosion, et celle-ci est forte. Elle nous surprend plus que nous l’avions imaginé. Car toute la pièce est drôle, on rit de bon cur de ce couple qui se rend ridicule à se donner des manières. On rit même des réactions d’Antoinette qui souffre du comportement de ses géniteurs envers elle, lorsqu’elle les imite... Mais la fin de la pièce, lorsque les masques tombent et qu’apparaissent les êtres fauves des êtres imparfaits, violents, blessés, dont les rêves sont brisés le retournement de situation est frappant et touchant.Le texte d’Irène Mémirovski est magnifique, humain et finement observé. De nombreux aspects de l’être humain et des relations enfant/parent ainsi que des relations sociales sont peints avec humour et justesse. Antoinette est l’adolescence même. Pas encore femme mais plus du tout enfant. Tiraillée entre son désir d’amour, ses rêves de bonheur et sa colère intérieure envers le monde, ceux qui sont heureux et surtout ceux qui l’empêchent d’accéder a bonheur : ses parents. Elle est impatiente, elle n’en peut plus d’attendre, elle veut faire son entrée dans le monde, elle veut avancer le temps. Ce qui fait opposition directe avec Mme Kampf qui, elle aussi, désire faire son entrée dans le monde mais pour sa consécration, pour sa dernière fois. Elle aussi effectue une course contre le temps, mais à l’inverse de sa fille, elle voudrait que le temps s’arrête pour profiter une dernière fois avant le tomber du rideau. C’est pourquoi elle est si tyrannique et injuste envers Antoinette. Plus sa fille grandira, plus elle elle vieillira.La figure de père, de l’homme, est également très importante dans la pièce. C’est grâce à lui que la famille peut s’élever socialement mais il ne prend part à aucune décision. Il ne dit rien et acquiesce tout ce que dit sa femme, castré sous son joug. Il n’est pas méchant, juste lâche. Aussi ne défend-il pas sa fille et fait-il plus figure de bouffon pour amuser la galerie, soutenir les délires menteurs de son épouse et donner le change. Il se révèlera cruel.Le tableau des petits bourgeois nouveaux riches peint par l'auteure est un régal. Ils sont grotesques, voire grossiers et ridicules. Ils affectionnent tout particulièrement qu’on les jalouse. Ils invitent exprès, alors qu’ils ne l’apprécient guère, Mlle Isabelle, le professeur de piano d’Antoinette et une cousine de la famille, pour lui étaler leur récente fortune sous le nez. Et puis on en apprend de belles. Tous ces riches sont finalement des grues et des maquereaux aux histoires sales de coucheries, de mensonges et de magouilles à n’en plus finir. C’est navrant et tellement vrai !Pour un texte à la fois très simple et tellement riche de sens, il fallait de bons comédiens. Il est vrai que Virginie Lemoine sait s’entourer. Le couple Kampf interprété par Brigitte Faure et Serge Nl est un régal. Ils sont jubilatoires par le geste, la parole, l’intonation, les regards. Tout est vivant, juste et justifié. De simples onomatopées de M. Kampf ou des brèves réponses, toujours les mêmes, répétées en perroquet pour soutenir sa femme, sont simplement géniales. Quant à Brigitte Faure, elle réussit cette prouesse de grand comédien de faire détester son personnage et tout à la fois, qu’il ait des moments de faiblesse et d’humanité qui le rendent si attachant et même iraient jusqu’à rendre légitimes, tout du moins compréhensibles, ses odieux agissements. Françoise Miquelis en maître de musique, vieille fille pince sans rire, s’attire elle aussi la sympathie du public. Tout particulièrement quand Mlle Isabelle s’amuse de l’attente cauchemardesque de M. et Mme Kampf pour leurs invités et qu’elle trouve le porto à son goût. Une scène d’attente mémorable et pas le moins du monde ennuyeuse.Une scénographie riche et entièrement conçue pour changer rapidement les espaces. On passe du salon des Kampf à la chambre d’Antoinette en passant par le salon de musique... Inclus avec malice dans la mise en scène, les deux serviteurs effectuent les changements de plateau à vue, comme les domestiques arrangeraient l’intérieur des Kampf. Certes, le plateau de la Huchette n’est pas bien grand, mais ils s’adaptent avec aisance, raffinement et précision.Une mention toute particulière pour les toilettes de Mme Kampf qui sont un enchantement. Jusque dans sa tenue pleine de strass, de plumes, sexy et chatoyante, elle semble vouloir se démarquer et s’opposer de sa fille qui est plus proche du sac à patate que de la petite écolière. Alors que ces deux femmes sont exactement pareilles, rêvant de l’amour qui fait frissonner.Un spectacle finalement touchant d’autant plus qu’il ne nous laisse en rien percevoir cet aspect. On rit pendant une heure, c’est plaisant, satyrique et bien mené ; puis on se retrouve face à l’être humain dénudé et fragile. Le texte était déjà un petit bijou, Virginie Lemoine et son équipe en ont fait un petit bijou théâtral.
Cyriel Tardivel
22/01/2013
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