C’est autour de cette question essentielle que vont se rencontrer, sinon s’affronter, les deux protagonistes de ce passionnant débat philosophico-théâtral.Le bonheur fait partie des thèmes philosophiques auxquels Robert Misrahi, grand spécialiste de Spinoza, s’est intéressé dans plusieurs des nombreux ouvrages qu’il a publiés. Comment envisager le passage du traité philosophique à la performance théâtrale ? Un tel défi pouvait passer au départ pour une vraie gageure.Les écrits et paroles de Robert Misrahi ont donc servi de base de travail à Alain Timar (le metteur en scène), avec ce postulat de départ : "La vocation de l’être humain, c’est d’être dans la joie et dans l’accomplissement", pour oser cette tentative de réflexion philosophique très théâtrale d’un abord quelque peu aventureux. Le thème du bonheur, comme bien d’autres, est propice à l’ouverture d’une réflexion très élargie, aux dimensions de son champ sémantique... Les participants se livrent d’abord à des tentatives intensément vécues de définitions et illustrations du bonheur tandis qu’Alain Timar – le metteur en scène ici devenu peintre plasticien – intervient régulièrement pour situer les actions dans un cadre non seulement scénique, mais aussi pictural et évolutif, d’un gris profond à la couleur qui finit même par envahir le plateau scénique.Les deux talentueux protagonistes es théâtre (Pauline Méreuze et Paul Camus) ont conservé dans ce contexte leur prénom d’acteur respectif. On peut dès lors s’interroger sur les relations de leurs personnages dans le cadre du spectacle. Sont- ils amants, frères et sœurs, amis ? Sans doute rien de tout cela... Si on leur pose la question, eux-mêmes ne peuvent y répondre. Il me plait assez d’en induire qu’ils sont, l’un et l’autre, les deux parts – masculine et féminine – d’un seul et même être en qui se déroule un conflit essentiel entre sa nécessaire aspiration au bonheur et les écueils inévitables provoqués par la réalité qu’il affronte.Après les réflexions et la méditation sur les différentes significations du mot "bonheur", voici que les acteurs se livrent à une illustration comportementale très expressive de ce thème philosophique inépuisable car susceptible d’interprétations radicalement différentes selon chaque individu, par et pour lui-même comme dans ses relations avec autrui. La richesse d’interprétations de ces séquences qui explorent et illustrent différentes attitudes face à la notion de bonheur nous surprend et nous captive... D’autant que les deux comédiens font preuve d’une étonnante vitalité.