Dopo la battaglia est un ovni, un spectacle magnifique et magistral. Pippo Delbono est connu pour ses créations particulières et son choix affirmé de travailler avec des comédiens dits "différents". Pour son dernier spectacle, il s’entoure d’une foule de comédiens ; de Marigia Maggipinto, membre historique de la compagnie de Pina Bausch ; et d’Alexander Balanescu, grand virtuose contemporain du violon. Nous l’aurons compris, ce spectacle mêle danse, musique mais aussi vidéos (réalisées par Pippo Delbono lui-même avec son téléphone portable) et poésie.Assis à sa petite table d’élève au milieu du public, Pippo Delbono s’adresse directement à nous dans son micro. Il nous parle de sa vie, de sa vision du monde et emprunte les textes d’auteurs merveilleux tels Antonin Artaud, Franz Kafka, Alda Merini, Pier Paolo Pasolini, Walt Whitman, Rainer Maria Rilke et Alejandra Pizarnik. Et Pippo ne se contente pas de nous réciter ces paroles et ces histoires, il les vie. Tantôt sur scène ou déambulant entre les spectateurs, il crie, chante, nous fait rire, nous invite à danser, nous fait pleurer. Tel un maître de cérémonie, il est présent au milieu de ses convives, fait le show et donne le rythme de la soirée. Parce qu’aujourd’hui, Pippo nous livre quelque chose de très intime. Sa vision, son ressenti face à la folie, à cet emprisonnement de l’esprit et du corps qui cherche, veut dire, s’exprimer mais se retrouve enfermé par les autres, par lui-même. Prisonnier de son corps et de ses pensées.La scénographie donne immédiatement le ton. Sol, plafond et murs sont couverts de gris. Une grande structure qui semble être le plateau lui-même, donne une impression de cellule (psychiatrique ou de prison). En fond de scène, à jardin et à cour, de lourdes portes comme celles des geôles. Quelques chaises et c’est parti.Plusieurs tableaux d’une grande beauté visuelle et d’évocation forte se succèdent. Les comédiens dansent, se travestissent, se montrent, défilent... Ils sont étranges et si beaux ! Certains d’entre eux ont un physique atypique. Il nous semble voir le monde évoluer sous nos yeux. Un monde fou fait de et par les fous. Tous différents et pourtant si semblables. Définitivement étranges mais tellement magnifiques !Pippo Delbono utilise des musiques vibrantes et profondes qui touchent le cœur comme Giuseppe Verdi, Niccolo Paganini, Pëtr Ilic Cajkovskij. Et surtout Alexander Balanescu au violon qui est impressionnant par son talent, par sa tenue et par la force qui émane de cet homme.En fond de scène, des vidéos apparaissent à des moments choisis. On y voit la mère de Pippo lorsqu’il vient déjeuner chez elle, la mer, des paysages, et des gens pour qui la vie n’est pas facile. Des enfants estropiés, des hommes et des femmes qui souffrent...Avec Dopo la battaglia, Pipo Delbono et son équipe nous offrent un spectacle époustouflant, atypique, empreint d’une grande beauté et de poésie pour nous rappeler que le monde est malade. Que nous sommes tous malades. Mais celui que nous désignons comme malade, ne l’est peut-être pas... Un spectacle troublant qui ne laisse absolument personne indifférent. Un spectacle bouleversant né de la rencontre de Pippo Delbono et de Bobo. A ne rater sous aucun prétexte.