En entrant dans le théâtre, l'on remarque la porte de la salle de spectacle ouverte et à travers laquelle l'on peut voir les acteurs se préparer, s'échauffer, se concentrer avant l'entrée du public. Les comédiens sont là, en dehors de toute représentation, ou presque. Pas de coulisses, ni de rideaux, c'est sur ce procédé de distanciation, d'aller-retours entre jeu et non-jeu, que va se dérouler le conte. Cela va du choix des accessoires, à la prise de parole des comédiens, en passant par des entractes improvisés et des adresses directes au public.Dans un décor de bric-à-brac, – un grenier ? un coffre à jouet ? – les personnages prennent vie : le roi et la reine du Royaume de Bêche souhaitent s'établir en retraite, mais leur fille, la Princesse, refuse de prendre leur succession car cela représente trop de devoirs qui l'angoissent, malgré les leçons quotidiennes de son précepteur, Monsieur Ladéforest. Ce dernier s'amourache de la Princesse et la demande en mariage. La jeune femme, méfiante, refuse. L'homme décide alors de tout mettre en œuvre pour surveiller les moindres faits et gestes de la Princesse, en lui offrant notamment une poupée...Au-delà de cette histoire, l'œuvre de Karine Lanne nous offre une polyphonie des sens allant de la question du pouvoir à celle de la psychologie en passant par l'écologie et les métiers du théâtre. La Princesse, toute perdue qu'elle soit, porte un regard cynique et lucide sur le monde qui l'entoure, tout comme l'artiste que l'on croit parfois un trop "fou"... Le précepteur, avec son oreillette et son téléphone portable, veut le contrôle, il gère les lumières, l'espace et le texte, jusqu'à ce que les personnages décident de prendre le dessus, et l'on jubile lorsque le serviteur muet "L'Apostrophe" revendique l'importance de son rôle ! Mais, ne dévoilons pas tout...Enfin, il y a eu, certes, quelques longueurs, mais les comédiens, présents sur le plateau du début à la fin de la pièce, ont toujours su retrouvé la dynamique et fait "rebondir" le spectacle, pour nous jouer une première réussie de La Princesse en pièces détachées. On apprécie la plume de l'auteure, le jeu des acteurs et l'univers amené par la metteuse en scène Véni Lacombe : projections en fond de scène, jeux d'ombres, bande sonore électrique... de quoi nous plonger dans un monde à la fois absurde et magique de poupées mécaniques et d'automates, mené par des personnages burlesques. Oui, une sorte de coffre à jouets remis entre les mains et les yeux lucides d'une enfant un peu perdue dit-on, mais pas trop...