Comédienne de 1982 à 1992 au Théâtre du Soleil, Hélène Cinque est une enfant d’Ariane Mnouchkine. Ce n’est pas un hasard si le Théâtre du Soleil accueille en résidence L’Instant d’une résonance. Résonance, résidence, quatre syllabes, le ré en prélude soufflée à l’imagination, l’anse de la création théâtrale portée à plusieurs mains.L'adaptation de la pièce de Shakespeare a nécessité des mois de préparation. Un échafaudage structurellement élevé sur de solides bases où l'initiative et la patience composent le ciment de cette conjonction humaine digne et volontaire.Le décor s'ouvre sur un concept de scènes décalées. Au centre, un plateau dont les limites ont été calculées afin qu'il ne constitue par l'élément principal d'évolution des comédiens. De part et d'autre, une géométrie perpendiculaire d'allées ont été disposées pour donner de l'ampleur au premier volet du spectacle. En aval, un tableau surplombe le décor, y accèdent principalement le Roi et la Reine. Une façon de présenter le pouvoir et l'autorité.La musique de Jo Zeugma dénonce la puissance de l'intrigue menée d'un bout à l'autre de la pièce. L'explosion des sentiments s'accorde à un récital de tristesse et de désarroi balayés par les scènes de guerre.Le Roi Cymbeline refuse les amours partagés de sa fille Imogène avec son fils adoptif, Posthumus. Fils qu'il a élevé comme ses autres enfants et qu'il renie au point de l'exiler de son royaume. Il blâme Imogène en la cloitrant de toute considération humaine. La Reine feint un amour maternel sous ses airs de corneille endurcie par la méchanceté.Posthumus trouve refuge à Rome et se découvre un faux-ami. Lequel prétend aller en terre bretonne séduire Imogène et ainsi contrecarrer les espoirs de retrouvailles entre les deux amants. Le défi mêlant l'intérêt à l'argent, les conséquences de l'enjeu sont terribles pour Posthumus.Qu'adviendra-t-il d'Imogène ? Restera-t-elle prostrée dans sa tour d'ivoire à attendre que son bien-aimé vienne la délivrer ? Posthumus, ce fils indignement banni par son père, le Roi Cymbeline, vaincra-t-il dans les sanglants combats opposant la Gaule à l'Italie ?La mise en scène est évolutive et inventive. Dans le premier tableau, la tragédie se mystifie avec l'élément nature. Le brouillard se lève. Des arbres morts portés par des personnages en chasuble créent une atmosphère étrange et glaciale. Des silhouettes apparaissent et disparaissent de-ci, de-là. Le tempo intensifié par la musique condamne la présence de la mort. La confusion des sentiments amour et haine décuple la profondeur de la narration.L'isolement d'Imogène et la faiblesse du Roi Cymbeline sont immergés par la cruauté de la Reine, vile et diabolique. Hélène Cinque s'engage dans un mouvement extrême de corps qui aiguise l'imagination jusque dans les barrières de l'effroi. Elle pose en filigranes la réduction des sentiments d'Imogène face à l'obéissance arbitraire de sa mère.Dans l'œuvre de Shakespeare, les rois manifestent faiblesse et compassion. Lear et, in situ, Cymbeline en témoignent. Leur épouse de Reine n'avaient pas leur pareil pour prendre les décisions, souvent préjudiciables.Le second tableau s'ouvre sur un espace de tourbe. A la façon du Puppentheater, des marionnettes manipulées par des mains expertes s'invitent dans l'histoire. Elles disparaissent comme par magie à l'entrée du docteur. Les pages d'un livre de conte s'ouvrent sous les yeux du public. Le Docteur a les attributs de Merlin l'enchanteur et cela confère à la pièce de la joyeuseté. L'insolence des comédiens s'harmonise subtilement à la liberté de la narration adaptée de la pièce à l'origine.La mise en scène jongle habilement entre une argumentation ciselée dans le moindre détail et la traduction d'un grand classique de la littérature modernisée pour séduire petits et grands. L'interdisciplinarité des comédiens, c'est ce savant essayage du corps et de la voix qui apporte le rêve dans cette tragédie conceptualisée par Hélène Cinque. Théâtre d'histoire travaillée autour de belles rencontres, la compagnie L'Instant d'une résonance métamorphose la souffrance en une création conjugant de pair sensibilité et légèreté.Un chef d'œuvre de Shakespeare subtilement mis en scène par Hélène Cinque et magnifiquement interprété par une distribution d'acteurs dévoués et talentueux.