Le Brésil, une carte postale ensoleillée où la vie alterne entre le samba foot et la samba musique. Destination de rêve qui fait chavirer les cœurs dans une salsa de bonheur. Le Brésil, l’autre pays des ghettos appelés localement favelas. Des quartiers où la misère sévit dans la rue, dans les masures de fortune, dans le cœur des hommes et des femmes qui y survivent. Les enfants ont pour école celle de la rue, celle qui apprend à se défendre, à se battre, à se faire respecter et se faire tuer aussi.La musique, un instrument culturel qui se transmet de génération en génération, leur raison de vivre et d’être. C’est en 2009 que Laurent Poncelet pose ses bagages à Recife. Son idée, créer un spectacle avec des jeunes issus des favelas. Le projet prend forme au fil des semaines et en la présence de O grupo Pé No Chao, qui initie les jeunes trainards à la pratique d’ateliers artistiques, il trouve un soutien important.Au départ, une bonne vingtaine d’ados participaient à ce projet. Au final, quatorze seront choisis pour cette création. Magie Noire est née au printemps 2010. S’ensuit une tournée en Europe et au Brésil avec de nombreuses dates. Les salles sont combles, l’enthousiasme est tel que Magie Noire part de nouveau sur les routes de Belgique, au Luxembourg, en Rhône-Alpes et à l’Epée de Bois dans la Cartoucherie de Vincennes.L’histoire ne se raconte pas, elle est écrite pour l’articulation de la création. Le décor très épuré, deux bicoques attenantes sont installées en fond de scène. Laurent Poncelet, c’est un homme impliqué dans le montage de tragédies collectives, lesquelles posent le point d’interrogation sur les limites de l’insupportablement supportable. Une impulsion à montrer l’homme dans ce qu’il est et non l’inverse. Ici, le collectif des jeunes de Recife suent d’ingéniosité à dynamiter ce spectacle présentant une parenthèse de leur existence dans les quartiers retirés de toute commisération. La chorégraphie, une exécution en vrac de danses afro-brésiliennes, de hip-hop, de salsa, de capœira. L’ambiance n’est ni triviale, ni ethnique. Elle reflète tout simplement la vérité d’une situation exposée à la décadence et à l’ignorance sociale depuis très longtemps, trop longtemps.La résonance, les mains battant alternativement sur les percussions. Le triangle tinte timidement, il n’ose s’intégrer à ce ballet social. Un peu comme cet homme à chaussures qui marche dans les empreintes laissées par les pieds nus des gamins des rues. Il suscite curiosité et animosité. Qui aura le privilège de lui cirer ses chaussures ?Les artistes se laissent aller à une générosité qui leur appartient et au public de les deviner dans leur contexte. D’ailleurs, générosité rime avec sincérité car la vie dans les favelas n’autorisent par la tricherie. Quand la drogue gangrène une violence entre gangs de même condition, la notion de respect subsiste au nom de la survie.Magie Noire, c’est une parade sonore qui vibre de l’intensité exprimée par les danseurs. Les pieds tapent le sol, les mains frappent sur les instruments, les volets claquent. Aucun élément n’est épargné. Le bruit donne de l’importance au temps, une façon de dénoncer les solitudes intérieures. Ces gamins éprouvent le besoin d’être ensemble, l’effet de groupe rassure et dissuade quelques velléités adverses.La puissance de la mise en scène de Laurent Poncelet est véhiculée par l’énergie déployée durant la représentation. Les artistes sont extraordinaires car ils revendiquent leur identité culturelle en exultant à la face du monde l’injustice qui les fige dans leur seule condition. Personne ne ressort indemne de Magie Noire, c’est une leçon de vie bouleversante et captivante.