Alain Gautré a été formé par Jacques Lecoq à l'école internationale de théâtre et de mime à Paris. Elève puis professeur dans cette belle institution du gai savoir, il engage une carrière artistique d'auteur, d'acteur, de pédagogue et de metteur en scène. On ne devient pas orfèvre du rire sans tailler avec précision toutes les facettes de l'auguste. C'est ainsi qu'il fréquente au cours de sa carrière différentes écoles prestigieuses prodiguant l'enseignement des arts du cirque, l'art dramatique et la marionnette. Altruiste, il intervient régulièrement à l'association du Rire Médecin. Parallèlement à ce parcours éclectique, le verbe le passionne au point de participer à l'animation d'ateliers d'écriture de Villeneuve-Lès-Avignon à Bourg Saint-Andéol.La vie d'Alain Gautré repose sur cette réflexion de Jacques Lecoq : "La pédagogie repose essentiellement sur la dynamique du mouvement ; elle engage le corps, premier élément de reconnaissance du vivant, par le rejeu de tout ce qui bouge, de la vie au théâtre".Dans la salle en bois du Théâtre de l'Epée de bois, le discours n'est pas de bois. Une table bistrot, une bouteille d'eau et un gobelet en carton posés dessus, une chaise constituent la sobriété du décor.Maitre Alain Gautré se présente solennellement à l'assistance. Le costume sombre lui confère une certaine sévérité, une frivolité de couleur vive et discrète intercepte au vol le pan de la veste et apporte un semblant de gaité. Son éloge de l'histoire du clown est entrecoupée par cette chaise qu'il n'a de cesse de déplacer ici et là. Est-ce une façon de faire remarquer que le clown a toujours été assis entre deux chaises, concurrence loyale avec la naissance de l'auguste.Le verbe est posé sans artifice, les mots se donnent la réplique car cela dure depuis dix années. Le timbre de voix s'élève avec les siècles qui défilent et ajoutent au clown un nouvel attribut, l'auguste. En quelque sorte, l'auguste est le parent pauvre du rire, une contrepèterie de saltimbanque, celui qui amuse les sans-dents et les pauvres hères.Le Clown du XXIe siècle ne porte plus de grandes chaussures, ni de vêtements bariolés toujours trop grands. Dans la poche, il conserve le nez rouge, l'outil de l'orfèvre du rire, le sésame des enfants qui regardent émerveillés ce personnage d'un autre temps. Le clown n'est plus le pitre de foire, même sur la piste de Monsieur Loyal. Il amuse différemment, le propos contemporain à remplacer les salves verbales spontanées. Où es-tu Monsieur Clown ? Tes pitreries, tes cabrioles, ton regard ont disparu. Enfin pas tout à fait.Pendant la conférence drolatique, Alain Gautré demande à un quidam du public de venir à ses côtés sur la scène. Il lui fait en voir des vertes et des pas mûres avec ses allusions et ses réflexions. Le jeune homme ne pipe pas mot et la situation l'amuse sous le discours ampoulé. Prenant de l'assurance, il fait le fanfaron dans le dos de l'orateur. Ses pirouettes improvisées font rire le public bon enfant. Parodie de l'amuseur amusé, le maitre de conférences regarde l'œil hagard et la mine agacée, le luron se laissait aller... à quoi d'ailleurs.Faire rire, amuser les gens n'est pas permis à tout le monde. Quoiqu'il en soit ne devient pas clown qui veut. C'est un métier, peut-être une vocation. Le pèlerinage conduisant à la cathédrale du fou rire est parsemé d'embuches, celles qui font monter les larmes aux yeux. Ensuite, quand le clown a trouvé sa voie, les larmes montent aux cieux.Une conférence hors du temps qui sensibilise d’une certaine façon le regard porté vers le clown, lequel a vu son personnage muté au cours de son histoire. Si la peine fait pleurer les hommes, l’alchimie des clowns est de faire rire l’homme de ses peines. Spectacle original, intéressant et ô combien distrayant.