Serge Lipszyc est un metteur en scène qui a plus d’un tour dans sa poche pour proposer des spectacles à contre-courant. Un travail scénique qui privilégie l’approche avec le public, l’expression même du théâtre populaire et accessible. Les pièces choisies ont pour point commun des petites histoires de la vie de tous les jours. Des tranches d’existence livrées en vrac que Serge Lipszyc reconstitue de façons anecdotiques et intensifiées par le poids des mots dans le choc des quiproquos.Derniers Remords avant l’oubli, la pièce de Jean-Luc Lagarce, s’installe dans le foyer du théâtre du Ranelagh. Les tables et les chaises sises devant le bar servent de décor. Sur le balcon, quelques scènes savoureuses mériteront de lever l’œil. Les marches de l’escalier, un refuge pour une quête de réflexion personnelle. Les gens venus assister à la représentation ont pris place ci et là.Les comédiens arrivent en couple et invitent le public à participer aux retrouvailles familiales.L’histoire a lieu dans une maison de campagne dans les années 80. Sous ce toit, quinze ans plus tôt, Hélène eut une relation amoureuse respectivement avec Pierre et Paul.Pierre (Serge Lipszyc) l’habite depuis toujours. Aujourd’hui, la propriété nécessite d’importants travaux de restauration, structurellement répartis entre les membres de la famille.Hélène (Valérie Durin), la femme d’Antoine (Henri Payet), prend cette affaire avec beaucoup d’intérêt. Matérialiste, surtout avec les questions d’argent, elle exige avec insistance la vente du domaine. Pierre se trouve au centre des considérations et des débats houleux dont relève la vente de la maison. Lise (Ophélie Marsaud), la fille d’Antoine et d’Hélène, armée de son appareil photo, immortalise les rancœurs familiales pour la postérité. Le cynisme prend la pose couleur sépia.Paul (Bruno Cadillon) se pose en éternel adversaire de Pierre. Marié depuis à Anne (Julianne Corre), il fait mine de se désintéresser du bien fondé de cette réunion familiale. Il accorde sa confiance à Hélène, l’ex-femme maîtresse, maître en affaire.Le public attablé est intimement témoin de cette histoire de famille. Une complicité de tous les instants car les comédiens jouent avec une authenticité touchante ces personnages. La culpabilité des sentiments indique les jugements sans faille exprimés sous le coup de la colère et de l’hypocrisie. Le jeu des comédiens se lie sans grumeaux car tous les ingrédients sont introduits avec souplesse et le verbe dosé avec justesse.La mise en scène de Serge Lipszyc concentre le travail sur les effets de texte. La langue est scrupuleusement adaptée selon chaque situation, le mot juste sur ces parenthèses d’existence prises à des gens ordinaires.Derniers Remords avant l’oubli, une pièce où la rapidité du mouvement alterne avec la dérision et la tension montée en épingle.Chacun se retrouve un peu ou revit un épisode déjà expérimenté dans cette pièce de Lagarce. La réalité du sujet relaté fait l’objet d’une mise en scène soignée et directe. La fluidité du jeu des comédiens témoigne une belle complicité avec le public. Les interventions percutantes des comédiens enflamment l'intérêt porté à cette pièce tout à fait actuelle. Une pièce de bel facture.