Après un passage à succès en juin dernier sur la scène de l'Européen, Fred Pellerin prend de nouveau ses quartiers place de Clichy, pour présenter au public parisien L'Arracheuse de temps. "Tout ce que je raconte à une origine réelle." Les histoires de l'artiste québécois ont puisé la source de leur inspiration à Saint-Elie-de-Caxton, petit village de la Mauricie. Cet enfant du pays passe en revue une multitude de personnages, des gens de vrai, tels qu'ils lui ont été racontés par sa grand-mère. Elle possédait le don de capter l'attention de ses dix enfants et très nombreux petits-enfants pendant les veillées. Fred, son petit-fils, transmet l'héritage de ces histoires dans un subtil mélange d'accent québécois et d'expressions locales.Ce spectacle se veut une succession d'historiettes savoureuses et de chansons tantôt nostalgiques, tantôt éprises, accompagnées à la guitare.
Quand on n'a jamais vu Fred Pellerin sur une scène, on se laisse prendre au jeu des hésitations et des rires complices, lesquels font partie intégrante du conteur.L'œil rieur et sérieux chaussé de petites lunettes rondes, Fred Pellerin brodeurise en brassant la mémoire collective des personnages de Saint-Elie-de-Caxton. Entre imaginaire et réalité, le joyeux bonimenteur entraine le public sur le gué des acrobaties et joutes verbales.Du rire aux larmes de fou rire, le déferlement des locutions locales s'ensuivent avec vélocité. Fred Pellerin a la parlure facile dans l'art de raconter la vie des gens de cette charmante contrée du Québec. L'histoire commence par l'étrange destin d'un pommier qui fournit deux sortes de pommes, les bonnes et les moins bonnes. Pommier qui suscite intérêt et convoitise chez les gens du village, jusqu'au curé tout neuf. Ensuite, une galerie de portraits, tous aussi truculents les uns que les autres, défilent : la Stroop installée en retrait du village au bord du lac des sangsues, a la faculté de lire l'avenir et le présent ; Toussaint et son magasin général, le faiseur de bières, le bûcheron et sa fille Lurette qui a croisé la mort en corps, sans oublier le fameux grenier de la grand-mère qui recèle de bibelots, chacun porteur d'une anecdote.L'Arracheuse de temps, des morceaux de vie passés à la moulinette, un subtil récit alterné entre l'accent québécois et les mots bien à-propos. Le public a beaucoup apprécié les raconteries de Fred Pellerin, les rires en témoignent et ce, une heure et vingt minutes durant. Les parenthèses avec les chansons soulignées de chapelets de mots simples et sincères apportent une touche supplémentaire de gaité. L'artiste conte, chante, joue de la guitare, donne le tempo avec ses pieds. Fred Pellerin, un jeune trentenaire, un talent déjà bien affirmé.Fred Pellerin avec son Arracheuse de temps nous rappelle le temps des veillées où au coin de la cheminée, famille et amis réunis se laissaient conter des légendes par les anciens dont la mémoire ne portait pas la trace d'une ride.Le spectacle se ponctue par un hommage à sa grand-mère. Quelque part dans l'obscurité de la salle, une voix âgée se détache et annonce en deux-trois mots l'épilogue d'une vie familiale bien remplie, de rencontres et de quarante réveillons assurés.Fred, le petit-fils, ouvre la boîte à silence héritée après que la grand-mère a levé la patte, silence et musique pour une dernière chanson, il referme la boîte. Derniers applaudissements, l'artiste s'éclipse comme un conte passé dans le commun des vivants, de génération en génération. Magnifique soirée.