On n’en finit pas, on n’en finira jamais avec La Vie parisienne... Depuis plus d’un siècle, cette opérette qui, dès sa création, annonçait déjà Dada et le surréalisme, a sans cesse été montée toujours avec succès dans des mises en scènes quelquefois très réussies mais aussi parfois convenues ou sans génie... Mais le génie du théâtre semble bien avoir rendu visite cette fois à Alain Sachs pour cette Vie parisienne dont l’adaptation tranche délibérément avec tout ce que l’on en connaissait.Après avoir obtenu un franc succès tant auprès du public que de la critique durant plus de six mois à Paris au Théâtre Antoine, cette version qui tourne actuellement et jusqu’à la fin de l’année sur le territoire national mais aussi en Suisse et en Belgique, après une nomination aux Molière 2010, a vraiment tout pour plaire... Pas de vedette : des comédiens-chanteurs-danseurs-musiciens – tout cela en même temps ! – plutôt formidables, une mise en espace d’une surprenante et, pour certains, quelque peu déconcertante originalité, la naissance et l’évolution d’un spectacle "en train de se faire"... Alain Sachs, délibérément et sans en avoir l’air, tire le genre "opérette" devenu désuet vers la comédie musicale façon Hollywood grande époque.C’est devant le mur nu du fond de scène que débute ce qui pourrait passer au départ pour un anti spectacle. En l’absence du metteur en scène, onze jeunes comédien(ne)s découvrent la partition d’Offenbach et s’en emparent sous les regards ébahis du régisseur et de l’habilleuse... Ces derniers vont mettre à leur disposition tout l’arsenal de costumes, accessoires, instruments de musique... et participer ainsi et eux aussi à la naissance de ce qui va progressivement devenir pour tous les spectateurs un vrai et total spectacle.La scène devient ici un lieu générateur de pure magie créatrice, où l’alchimie théâtrale parvient très vite à engendrer une étrange et séduisante métamorphose du "théâtre dans le théâtre" de par la seule présence des interprètes. Faut-il souligner à nouveau les multiples talents dont ils font preuve dans tous les domaines de l’art du spectacle : tout à tour chanteurs, danseurs, acteurs, musiciens, ils exploitent, pour la plus grande surprise des spectateurs émerveillés, toutes les ressources, les registres d’expression possibles. Le résultat ? Une sorte de spectacle total, époustouflant de drôlerie, plein de couleur et de musique... Et surtout, riche désormais de toute une modernité demeurée insoupçonnée, ressuscitée ici comme par enchantement. Enchantement, c’est bien l’un des mots les plus aptes à résumer cette Vie parisienne, l’un des événements théâtraux de la saison.