La Dame de la mer
de Henrik Ibsen
Mise en scène de Bernard Starck
Avec Arevik Martirossian, Vincent Gauthier, Olivier Bruaux, Didier Bizet, Marion Revol, Anne-Laure Triebel, Philippe de Brugada
La Dame de la Mer : l’une des quatorze pièces qui constituent le Cycle Ibsen que programme le Théâtre du Nord-ouest quatre mois durant. La plus facile d’accès et la plus atmosphérique, avec ses bruits de bateaux, l’appel aigrelet des mouettes et le ressac des flots au fond du fjord.
La joie éclate dès les premières répliques. Une joie qui se confond avec le bonheur familial. Les filles du Docteur Wangel ont paré la maison de fleurs et pavoisé l’ensemble. Chacun s’agite. Au premier plan, un peintre devant son chevalet cligne des yeux, comme si la lumière l’aveuglait. Un jeune homme, familier des lieux, se penche sur la toile et la commente. II reconnait le fjord qui s’étend devant eux, la falaise, mais quelque chose l’intrigue, au premier plan. Serait-ce une sirène morte ? Ballested, le peintre, avoue que ce détail, de pure fantaisie, lui a été suggéré par la femme du docteur. Il l’explique ainsi : Cette sirène s’est égarée et, ne pouvant retrouver le chemin de la mer, a agonisé comme un poisson. En terme de théâtre, cette métaphore est une mise en abîme, car en quelques mots il résume toute la pièce, car, sous l’aspect riant de ce bonheur nordique, se cachent de terribles secrets. A commencer par celui de « la dame de la mer » ainsi que l’appellent les gens du pays. Seconde épouse du médecin, elle a vécu dans un phare et ses parents lui ont donné un nom de bateau : Ellida. Elle-même reconnait qu’elle est la proie d’une « vertigineuse nostalgie ». Nostalgie de l’eau, non point celle du fjord qui est une eau malade, mais celle du grand large. La vérité, c’est qu’elle étouffe dans ce climat petit-bourgeois.
Au fur et à mesure que les couleurs s’assombrissent, le drame prend forme. Et ceci à travers trois filtres. Tout d’abord, la présence invisible de la première femme. Le docteur fait tout pour l’atténuer, mais les deux filles du premier mariage l’entretiennent, en pavoisant par exemple la maison, le jour de l’anniversaire de leur mère. Deuxième filtre : la mort du fils qu’Ellida a eu avec le docteur. Troisième filtre : depuis trois ans, l’absence de relations au sein du couple. Le paysage tourne donc à l’orage et l’on s’interroge sur la santé mentale de cette femme, restée une éternelle enfant. Le Docteur Wangel fait tout pour la guérir, agissant par petites touches et essayant de comprendre les exigences de la féminité, ce qui est révolutionnaire au temps d’Ibsen. Mieux, il agit en héros digne des personnages de Dostoïevski, au nom du pur amour. Ainsi n’hésite-t-il pas à convoquer le professeur Arnholm, un familier de la maison puisqu’il a été le précepteur de Bolette, l’une des deux filles, mais auparavant, bien avant son mariage, le prétendant d’Ellida. Son refus a ulcéré le professeur, mais le temps a passé… Aujourd’hui, par une ruse de son mari – qui veut voir clair dans la vie de sa femme - elle se retrouve face à celui qu’elle a toujours revendiqué comme son premier amour. Alors pourquoi l’a-t-elle éconduit ? Ellida finit par avouer qu’à l’époque elle n’était pas libre. Assez curieusement, elle s’était voué à un officier, le second d’un navire étranger. Le mysticisme de cette vierge face à un homme de la mer rappelle le thème du Vaisseau Fantôme, l’opéra de Wagner. Mais ici, nous sommes dans la réalité. L’étranger, un Américain du nom de Freeman, a disparu comme il était venu. Ellida n’en restera pas moins marquée, d’autant il a refait surface il y a environ deux ans. D’où sa fidélité et l’impression qu’un regard magnétique est sans cesse braqué sur elle.
Henrik Ibsen joue avec les âmes autant qu’avec les consciences, mais l’idée de rémission et de réconciliation se fait jour. Les Allemands parlent de Versöhnung. Henrik Ibsen, protestant bon teint, vivait à Munich, cœur de la Bavière catholique, quand il écrivit cette pièce. L’atmosphère ambiant y est sans doute pour quelque chose.
Arevik Martirossian est cette Dame de la Mer dans un rôle à facettes, sujette aux embruns mais aussi avec de grand traits de lumière. On a l’impression que schizophrénie la ronge, balançant entre l’obsession du passé et la tendresse de l’époux, si patient, si humain, si digne. Magnifique scène où Ellida dialogue avec son beau marin réduit à l’état de poupée, animé par un ventriloque.La mise en scène de Bernard Stack, à cet instant précis, eût certainement plu à Ibsen lui-même. Vincent Gautier campe ce merveilleux Wangel dont l’amour et la liberté d’action qu’elle propose à son épouse s’avèrent la meilleure des thérapies. La chaleur du comédien nous enchante. Philippe de Brugada joue en contre-point du drame : c’est un Arnholm lumineux, un tantinet vieux-beau et prêt à se lancer dans une nouvelle idylle. Olivier Bruaux endosse le costume de Lyngstrand, l’artiste malade qui effleure la vie en ne songeant qu’à son idéal. Anne-Laure Triebel est Bolette, vive et capricieuse, formant un violent contraste avec Marion Révol, trublion dans l’œuf puisqu’elle campe Hilde, personnage que l’on retrouvera dans une pièce du même auteur : Solness, Le Constructeur. Et que dire de Didier Bizet, l’artiste peintre, Ballested ? Il lance l’action dans une cascade de rires et de bonne humeur.
Chacun, en tous cas, concourt à une œuvre puissante, dans la tradition de Lugné-Poë qui la fit découvrir à Paris en 1892.
Au fur et à mesure que les couleurs s’assombrissent, le drame prend forme. Et ceci à travers trois filtres. Tout d’abord, la présence invisible de la première femme. Le docteur fait tout pour l’atténuer, mais les deux filles du premier mariage l’entretiennent, en pavoisant par exemple la maison, le jour de l’anniversaire de leur mère. Deuxième filtre : la mort du fils qu’Ellida a eu avec le docteur. Troisième filtre : depuis trois ans, l’absence de relations au sein du couple. Le paysage tourne donc à l’orage et l’on s’interroge sur la santé mentale de cette femme, restée une éternelle enfant. Le Docteur Wangel fait tout pour la guérir, agissant par petites touches et essayant de comprendre les exigences de la féminité, ce qui est révolutionnaire au temps d’Ibsen. Mieux, il agit en héros digne des personnages de Dostoïevski, au nom du pur amour. Ainsi n’hésite-t-il pas à convoquer le professeur Arnholm, un familier de la maison puisqu’il a été le précepteur de Bolette, l’une des deux filles, mais auparavant, bien avant son mariage, le prétendant d’Ellida. Son refus a ulcéré le professeur, mais le temps a passé… Aujourd’hui, par une ruse de son mari – qui veut voir clair dans la vie de sa femme - elle se retrouve face à celui qu’elle a toujours revendiqué comme son premier amour. Alors pourquoi l’a-t-elle éconduit ? Ellida finit par avouer qu’à l’époque elle n’était pas libre. Assez curieusement, elle s’était voué à un officier, le second d’un navire étranger. Le mysticisme de cette vierge face à un homme de la mer rappelle le thème du Vaisseau Fantôme, l’opéra de Wagner. Mais ici, nous sommes dans la réalité. L’étranger, un Américain du nom de Freeman, a disparu comme il était venu. Ellida n’en restera pas moins marquée, d’autant il a refait surface il y a environ deux ans. D’où sa fidélité et l’impression qu’un regard magnétique est sans cesse braqué sur elle.
Henrik Ibsen joue avec les âmes autant qu’avec les consciences, mais l’idée de rémission et de réconciliation se fait jour. Les Allemands parlent de Versöhnung. Henrik Ibsen, protestant bon teint, vivait à Munich, cœur de la Bavière catholique, quand il écrivit cette pièce. L’atmosphère ambiant y est sans doute pour quelque chose.
Arevik Martirossian est cette Dame de la Mer dans un rôle à facettes, sujette aux embruns mais aussi avec de grand traits de lumière. On a l’impression que schizophrénie la ronge, balançant entre l’obsession du passé et la tendresse de l’époux, si patient, si humain, si digne. Magnifique scène où Ellida dialogue avec son beau marin réduit à l’état de poupée, animé par un ventriloque.La mise en scène de Bernard Stack, à cet instant précis, eût certainement plu à Ibsen lui-même. Vincent Gautier campe ce merveilleux Wangel dont l’amour et la liberté d’action qu’elle propose à son épouse s’avèrent la meilleure des thérapies. La chaleur du comédien nous enchante. Philippe de Brugada joue en contre-point du drame : c’est un Arnholm lumineux, un tantinet vieux-beau et prêt à se lancer dans une nouvelle idylle. Olivier Bruaux endosse le costume de Lyngstrand, l’artiste malade qui effleure la vie en ne songeant qu’à son idéal. Anne-Laure Triebel est Bolette, vive et capricieuse, formant un violent contraste avec Marion Révol, trublion dans l’œuf puisqu’elle campe Hilde, personnage que l’on retrouvera dans une pièce du même auteur : Solness, Le Constructeur. Et que dire de Didier Bizet, l’artiste peintre, Ballested ? Il lance l’action dans une cascade de rires et de bonne humeur.
Chacun, en tous cas, concourt à une œuvre puissante, dans la tradition de Lugné-Poë qui la fit découvrir à Paris en 1892.
Pierre Breant
09/04/2018
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Mise en scène de Mikael Chirinian
Marion Mezadorian, après son one woman show "Pépites", nous présente son deuxième spectacle intitulé "Craquage". Elle décortique des situations différentes les unes des autres, qui se terminent toutes inexorablement par la même conclusion : dire une bonne fois pour...
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de Jacques Mougenot,composition Musicale De Hervé Devolder
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A vos fables, prêt ? partez !
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