Démonstration artistique à double titre d’Antoine Caubet au théâtre de L’Aquarium, metteur en scène et comédien d’Œdipe roi. La tragédie de Sophocle renaît des cendres de la théâtralité hellénique, vingt-cinq siècles de silence durant.La scénographie, un assemblage hétéroclite d’éléments démontés et disposés de façon éparse autour d’une tribune dressée au trois-quart du plateau. Une tribune élevée à l’oralité de d’Œdipe, de Créon et de Jocaste, lesquels portent le propos jaugé d’affirmations et de désapprobations sur les origines du fléau qui sévit à Thèbes.Toges et cothurnes ont été remplacées par des vêtements de circonstance, le texte date de 430 avant notre ère et se joue au vingt et unième siècle. Dans l’Antiquité, les dieux livraient les oracles à l’autorité et aux païens. Aujourd’hui, des hommes livrent leurs prophéties à qui acceptent de s’y astreindre. A vingt-cinq siècles de distance, il est de constater que les affabulations n’ont eu de cesse d’être écrites pour dénoncer les on-dit, réécrites pour désavouer les victimes.Thèbes se meurt de la peste qui l’envahit, une épreuve envoyée par Apollon. L’épidémie s’introduit sans coup férir chez tous les habitants, le mal gangrène la place publique. L’inquiétude qui investit Œdipe, Pierre Baux, la conduit à poser des questions à un prêtre, Eric Feldman. Le Coryphée, Cécile Cholet et Delphine Zucker, implore les dieux de chasser le mal, leurre de perfidie.L’authenticité du texte de Sophocle s’écoute les yeux fermés, Antoine Caubet réalise une mise en scène qui s’apparente dans les moindres détails au tour de force de la tragédie. La recherche de la vérité, un échafaudage d’interrogations expérimentées à partir de faits d’histoire, l’histoire d’Œdipe. Le triomphe de l’énigme du Sphinx lui a permis d’accéder au trône de Thèbes et d’asseoir ainsi sa notoriété d’homme de conviction aux yeux de la communauté des hommes.
Notoriété ébranlée par le retour inattendu de Créon, Antoine Caubet, lequel revient avec la réponse de l’oracle de Delphes qui stipule que Thèbes doit retrouver sa légitimité perdue après l’assassinat de Laïos. Œdipe demande à Tirésias, le devin aveugle, de dénoncer le meurtrier de Laïos. Le devin refuse de donner l’identité du coupable et confronté à l’hostilité de Tirésias, Œdipe s’emporte à ne plus pouvoir se contrôler.Œdipe enquêteur se trouve en proie à un dédoublement insoupçonné de personnalité. Le tragique se dévoile en trois dimensions, l’espace, le savoir, la parole.Les comédiens ferrent l’intrigue à l’intégrité des personnages tels présentés dans le texte de Sophocle et habilement restitués dans la mise en scène. A l’aveuglante vérité, succèdent une pression due à l’accélération du débat et les conséquences s’ensuivent jusqu'à la chute finale.Antoine Caubet emballe Œdipe roi avec les intonations contemporaines et les richesses linguistiques du grec hellénique. La tragédie de Sophocle signée Antoine Caubet et interprétée par Pierre Baux, Antoine Caubet, Cécile Cholet, Eric Feldman, Jean Opfermann, Clotilde Ramondou, Delphine Zucker, un grand moment de théâtre... tragique.