Le rêve. Un phénomène naturel indispensable à la vie. Une échappée de l’esprit lorsque le corps est au repos. Le rêve, un exutoire, un monde personnel et incontrôlable. Un univers où tout est possible, sans conséquences et sans risque d’être dévoilé, violé ou volé. Le rêve, un espace-temps entre la vie et la mort. Oui, mais si les rêves nous étaient enlevés, ou s’ils devenaient réalité ?Cette création très originale du Zagigaï Kollektiv aborde là un sujet passionnant. En s'appuyant sur "la méthode russe", la compagnie s’enrichit, avec le temps, au gré des rencontres et de ses expériences. Des comédiens, des chanteurs, des danseurs, des performeurs, des artistes d’horizons et d’univers variés composent ce collectif. Tous animés d’une même envie, celle de découvrir le théâtre, l’être humain et la vie.Il y en a même qui n’ont jamais rêvé..., c’est l’histoire en huit-clos de neuf personnages bloqués par une effroyable tempête dans un vieux manoir au fin fond de nulle part : le propriétaire des lieux et sa mère, une femme qui a des sortes de visions, un aveugle ami de la famille, un présentateur météo, une chorégraphe aux abois, son assistante et son danseur étoile, une jeune femme égarée... Les vies de ces personnes sont troublées, bousculées par ce carrefour des rencontres. Les secrets, les envies et les peurs vont être dévoilées. Mais il est bien dangereux d’ouvrir la porte d’un jardin secret...Pour sa création, l’équipe a d’abord travaillé sur les personnages. "Quel personnage aimeriez-vous incarner ? Et que se passerait-il si les rêves de ces personnages revenaient ?" A partir de cette base, les comédiens ont effectué un travail d’improvisation qui, retravaillé, épuré et structuré, a donné naissance à ce texte et à ce spectacle. Un spectacle fort qui ne laisse pas indifférent. L'univers est onirique, drôle et parfois angoissant. Les acteurs réalisent une performance impressionnante de justesse et de sincérité. Comme un funambule sur son fil, on oscille entre le rêve, la réalité, le fantasme et le cauchemar.Le plateau est épuré, quelques chaises, l’encadrement d’une fenêtre qui ouvre sur l’extérieur (ou nous permet d’épier à l’intérieur de la maison et de chacun, c’est selon le point de vue) et l’encadrement d’un portrait de famille. Visuellement, de nombreux tableaux donnent des frissons. L’orage qui éclate pendant la représentation du danseur est saisissant. Le travail du son et de la lumière est réfléchi, précis et permet d’embarquer le public dans le voyage de ce grand délire.Nikita Gouzovsky, véritable touche à tout, réalise un travail remarquable. Sa mise en scène est impeccable, les musiques dont il est l’auteur apportent une dimension quasi cinématographique à cette création. On y retrouve d’ailleurs quelque chose du film Les Autres. Le sujet est intéressant, les comédiens investis et de talent, sont dirigés avec intelligence. Plusieurs lectures sont possibles selon chacun, ce qui ouvre le spectacle sur de multiples dimensions. Et même si l’histoire en elle-même n’est pas drôle, on rit beaucoup. L'humour est présent dans les textes, dans les relations entre les personnages, dans les personnages eux-mêmes et leurs réactions. David Lelièvre en présentateur télé égocentrique et odieux fait mouche.Tout comme la musique, la danse occupe une part importante de la création. Les chorégraphies solo, en duo ou en groupe, appartiennent autant au monde réel qu’à celui du rêve. C’est une touche contemporaine de poésie et de beauté.Les parties chantées sont intéressantes mais les voix manquent. Les textes des chansons et le choix d’interprétation des comédiens sont assumés et poussés. Maintenant c’est la voix qu’il faut pousser. Un débit trop faible entraîne une perte d’intensité du spectacle durant les moments chantés. On perd également beaucoup dans la compréhension du texte.Il y en a même qui n’ont jamais rêvé... est une très belle création originale. Un moment de rêve particulier et à part, qui touche et ne laisse pas indifférent.