Les Marionnettes de Salzburg fêtent leur centenaire au mythique théâtre Dejazet. Pour célébrer cet anniversaire, la compagnie présente trois spectacles dans le cadre d’un festival du 16 novembre au 16 décembre 2012. Elle en profite pour jouer sa toute dernière création mondiale de 2012, La Tétralogie de Wagner. Ou comment condenser un opéra de 16 heures en 2 heures. Un véritable défi.Une gigantesque épopée divine avec des trésors, des bagues et des chapeaux magiques, un dragon, des flammes... Une histoire de famille à la Dallas. Les dieux se déchirent, s’aiment, se trahissent, se tuent. On va même assez loin dans les traumatismes familiaux entre les histoires d’inceste, d’abandon, de marchandage... Un régal pour les psychanalystes, comme Freud et autre Françoise Dolto.Raconter une telle saga en deux heures de temps n’est pas une mince affaire. C’est pourquoi, en plus de la ribambelle de marionnettes, deux comédiens font office de narrateurs et incarnent différents personnages. Ce mélange de taille avec les êtres de chairs et ceux de bois est agréable et judicieux. Même si pour certaines scènes, les marionnettes et les comédiens sont en conflit, il se dégage de cette relation particulière beaucoup de tendresse et de respect. Les comédiens sont convaincants dans leur rôle, s’amusent ensemble et avec leurs partenaires à fils. Actifs sur scène, ou passifs et observateurs, ils prêtent parfois leur voix à certains personnages. Des voix qui mériteraient une transformation plus poussée pour être en accord avec ce monde loufoque et clairement cartoonisé.L’univers créé pour La Tétralogie s'avère très particulier et proche de l’absurde. La scénographie est simple et évolue selon les tableaux. C’est principalement le jeu des lumières et des différentes fumées qui crée les ambiances. Ce qui frappe dans cette nouvelle création, c’est le choix de modernisation de l’œuvre de Wagner. En effet, l’action est contemporaine et tout est adapté en fonction. Aussi, les dieux roulent-ils en décapotable et se construisent des villas de luxe ; le dieu du feu porte un smoking digne de Las Vegas ; les walkyries sont des hôtesses de l’air ; et les adolescents sont des enfants à problèmes. C’est un choix intéressant et entièrement assumé, cependant il perd de la magie et du faste de l’opéra de Wagner. A trop vouloir moderniser l’histoire, l’humour est parfois un peu grossier et le visuel fait penser à l’univers plastifié de Barbie et Ken.La technique de manipulation des marionnettes reste toujours impressionnante. L’équipe des marionnettes de Salzburg reste maitre dans la discipline. Ces créatures sont réalisées dans le souci du détail et on ressent tout l’amour et les précautions prises pour ces êtres miniatures. Des êtres divers et variés, des humains, des monstres gonflables, des animaux, et même un tuyau flexible sorte de serpent d’aluminium.Pour les amateurs de Wagner, étant un condensé de son œuvre dans l’histoire, il en est de même pour les parties musicales. Un medley judicieux des chants est utilisé pour certaines scènes choisies. Ainsi tout le monde y trouve son compte. La musique, et tout particulièrement la langue, de Wagner est forte et brutale. Les amoureux de Wagner reconnaitront avec plaisir les différentes parties de l’opéra et les non-initiés découvriront avec parcimonie l’univers du compositeur.La Tétralogie est un spectacle pour tous, même si quelques blagues sont d’un goût douteux. Les plus grands apprécieront l’univers décalé et la reprise du grand opéra de Wagner ainsi que les nombreuses références à la société actuelle. Les plus jeunes seront amusés par les marionnettes et les effets visuels. Une nouvelle création pour cette compagnie légendaire au choix intéressant mais qui perd beaucoup de sa superbe. On ne retrouve pas toute la beauté et la magie propres aux Marionnettes de Salzburg.