Simone de Beauvoir fut une grande dame. Une femme influente qui lutta toute sa vie pour défendre ses idéaux (le droit à l’avortement, le respect de la femme, etc.). Une enseignante passionnée et une écrivaine de talent. Fane Desrues et Julien Cottereau ont décidé d’adapter sur scène son roman La Femme rompue. Au vu du texte, ce fut une évidence pour ces deux artistes.Pendant un seul-en-scène d'une heure dix, Fane Desrues interprète une femme détruite. Elle se souvient de son enfance. La mort trop rapide de son père qui l’aimait tant ; sa mère, une saloperie, qui entretenait des rapports malsain avec son fils... Et puis, les drames de sa vie de femme. Les hommes qui sont passés et qui ont compté, aujourd’hui tous partis. Les rapports conflictuels qu’elle entretenait avec sa fille et la mort de cette dernière. Son fils qui lui fut arraché et cette solitude pesante, étouffante même. Lors de la soirée du 1er de l’an, alors que les autres font la fête, cette femme, enfermée dans son appartement, dans sa solitude et sa douleur, crache sa haine du monde.Cette femme semble hystérique parfois, mais elle est surtout brisée. Une femme si belle et qui a connu la grande vie, se retrouve abandonnée et jugée par les autres, sans amis, sans famille. Juste la haine, ses souvenirs et ses regrets.La performance de Fane Desrues est remarquable. Seule sur un plateau nu, à l’exception d’une chaise, elle livre le combat de cette femme avec sincérité. C’est en effet une véritable lutte, contre sa douleur, contre elle-même et contre le monde entier. Dans un carré blanc au sol, sorte de ring, vêtue d’une combinaison et de chaussures de boxe, la comédienne fait osciller son personnage entre son enfermement et le monde extérieur qu’elle redoute et déteste.La bande sonore joue un rôle important dans cette mise en scène. Les bruitages sont ceux du monde extérieur ou des pensées de cette femme. Le tableau de fin renforcé par la musique fait monter les larmes aux yeux ; très touchant ! La lumière, elle, semble jouer sur la comédienne et l’accompagne dans ses changements d’état. Les différentes lumières représentent autant de visions du personnage.Fane Desrues est véritablement investie dans son rôle. Elle nous offre une performance sincère et de qualité. La femme qu’elle incarne éprouve une grande rancœur après le monde (ou après elle-même ?), on peut y voir des influences de Tati Danielle et de Carmen Cru. Mais plus l’histoire nous est dévoilée, plus on comprend l’état de cette femme et on ressent de la compassion. Certes, il faut un peu de temps pour rentrer totalement dans l’univers de Fane Desrues. Le début de la pièce est un peu lent, le ton trop monocorde et la voix parfois inintelligible (trop rapide, trop faible et pas clair). Cependant, doucement mais sûrement, la comédienne nous embarque dans la vie de cette femme et une fois que l’on est accroché, l’histoire nous laisse une petite boule d’émotion dans la gorge.Un texte magnifique, servi par une comédienne de talent, sur une mise en scène intelligente et travaillée, Le Monologue de la femme rompue est une réussite.