Le spectateur, promeneur, découvre un parterre de petites tentes noires, sortes de mausolées qui contrastent sans aucun doute avec le lieu, la ville rose, les berges de la Garonne au port Viguerie, un soir de juin où l’atmosphère, le fond de l’air est encore chaud et agréable.Dés l’entrée, le ton est donné, ou plutôt le "plan" d’un pseudo-cimetière que l’on découvre petit à petit au fil des pas accompagné d’un petit siège qui nous servira à l’occasion, afin de prendre place près d’un des cercueils ouverts et qui contient... un mort ! Car oui, les morts ont des choses à nous dire, nous les vivants !Dès lors, prêtons-leur une oreille attentive. Qu’il s’agisse de raconter leur propre mort, assassinés, empoisonnés, tombés aux champs de bataille durant la Grande Guerre, de révéler certains secrets bien gardés jusqu’ici, le choix est donné aux spectateurs d’accorder toute leur attention à qui saura la capter au mieux, au fil de la visite du cimetière à tombeaux ouverts. Chaque cercueil y renferme un "habitant", mis en bière dans ses habits du dimanche, depuis mités par le temps, en costume militaire ou autre robe de marié dont le visage est particulièrement bien éclairé, laissant apparaitre aisément un maquillage tout à fait à propos, cheveux et visage poudrés de blanc, cernes creusées...Malgré ce bel effort de mise en scène, les cercueils étant proches les uns des autres, pour bien entendre ce que raconte le mort, il faut s’asseoir, rappelez-vous du petit siège donné à l’entrée, à hauteur de son visage pour capter chaque mot du mini-monologue relatant quelques cent ans de vie villageoise.Tous les caractères s’y retrouvent : l’idiot du village qui a gardé sa camisole, les amants qui se remémorent leur idylle et ceux qui voudraient bien dormir en paix, reposer en paix ? Cette déambulation parmi les gisants est rythmée de règlements de compte avec leurs familles, avec leurs voisins, d’une humanité profonde qui laisse place à une réflexion sur la vie, au-delà de la mort.La Mastication des morts est une franche réussite tant par l’audace du sujet qui pourrait mettre mal à l’aise que par son interprétation. Allez donc flâner dans ce bruyant cimetière !