Dominique Pitoiset, qui s’intéresse depuis longtemps aux marionnettes, a découvert récemment, en 2011, lors d’un séjour à Hanoi, une forme de théâtre vietnamien traditionnel, un théâtre de marionnettes qui se pratique sur l’eau. Face à l’urbanisation croissante de la ville et au risque de perte des traditions culturelles qui va de pair, il a décidé de rendre hommage à ce théâtre aquatique et a ramené dans ses valises toute la troupe des artistes du Théâtre national des marionnettes sur l’eau du Vietnam. Il les met en scène dans un spectacle qu’il a conçu pour évoquer leur culture.L’ensemble de sa création possède une réelle harmonie. On a l’impression d’assister à un "vrai" spectacle de marionnettes vietnamiennes. Tout y est : la chanteuse (vietnamienne) qui interprète les chants (vietnamiens) sur scène, le bassin d’eau dans lequel les marionnettistes (vietnamiens) manipulent dragons, poissons, crocodiles et serpents (vietnamiens !), tous plus rougeoyants et dorés les uns que les autres... En prime, un petit film tourné à Hanoi présente, par contraste, le Vietnam d’aujourd’hui. Car ce spectacle est hors du temps. Ses chants abordent les thèmes habituels de la poésie asiatique : la nature, l’eau, les fleurs, les hommes qui vivent en communion avec le monde qui les entoure. De beaux vers, qui rappellent les haïkus japonais, entrent rapidement en conflit avec la modernité et la vitesse du Hanoi actuel : mobylettes, klaxons et agitation en tous sens. Le message de paix et d’humilité qui ressort du texte de ce Maître des marionnettes apparaît ainsi complètement décalé, suranné, presque ridicule par moments.C’est qu’avec la culture traditionnelle asiatique, il faut se laisser aller, se laisser bercer par le chant (si l’on ne craint pas son caractère un peu nasillard pour l’oreille occidentale), ne pas s’interroger face à la naïveté des paroles ni face au ballet répétitif des marionnettes aquatiques. Toute cette faune qui tournoie et sautille dans l’eau blanchâtre du bassin est censée happer notre regard ; il faut juste admirer chaque tableau, savamment composé, sans chercher plus loin. Mais n’est pas contemplatif qui veut et 1h15 ça peut paraître très long lorsqu’on n’entre pas dans cet univers particulier.