Looking for B
de Laurent Pérez
Mise en scène de Laurent Pérez
Avec Laurent Pérez, Mathieu Hornain
9 avril 1821 - 31 août 1867. Apparition et disparition du grand poète Charles Baudelaire. Entre ces deux dates, une foule d’écritures et une oeuvre immense dont Looking for B nous donne un aperçu.
En entrant dans la salle, le jeune Baudelaire est à la porte. Il nous observe, songeur, dans ses pensées. Et une fois que nous sommes installés, il s’approche de la scène, il hésite, franchit le pas et pénètre dans la forêt. Il découvre, il prend son temps puis se lance. Son premier poème, L’Albatros, commence doucement, presque hésitant. Il cherche, teste et s’inquiète de la réaction du public. Puis au fur et à mesure des vers, il devient confiant et se délecte de ses paroles ; il s’emballe en comparant ces "vastes oiseaux des mers" au poète. Et tout à sa jouissance, les bras, tels de larges ailes déployées, il ne remarque pas l’homme masqué, le "pig" qui se glisse derrière son dos pour l’étrangler. Il est ligoté et suspendu à une chaine, mis à nu et exposé à la vue de tous.Apparait alors un dandy à l’allure élégante et inquiétante fumant cigarillos sur cigarillos. Il est attentionné envers ce jeune homme torturé, il lui offre à boire, l’habille, lui fait découvrir certaines choses...Voici une vision inédite, subtile et très belle de Baudelaire que nous offre ce formidable duo : Laurent Pérez et Mathieu Hornain. Ici, le jeune Charles, en apprentissage de la vie, de son art et de son génie, découvre et expérimente par le biais d’un personnage séduisant et troublant, son double en devenir. Cette partie de lui-même, côté sombre et critique, un rien cynique, apparait aux yeux du jeune homme pour qu’il se révèle à lui-même. Et plus Baudelaire expérimente, plus ses mots semblent se transformer en une mélodie charmante à l’oreille bien que les paroles soient violentes et macabres. Mais c’est en cela que réside tout le génie de Baudelaire. Le Spleen, Les Fleurs du mal. Cet artiste fait ressortir la beauté dans la putréfaction de la charogne.Ains, durant ces soixante-dix minutes qui semblent bien trop courtes, on voit Charles grandir, souffrir, jouir et converser avec lui-même (et nous aussi) sur les femmes, la politique, la religion, l’amour, la mort... Le tout agrémenté d’une musique légère et idéale qui porte le texte et son interprétation ; ainsi que quelques projections vidéos nous plongeant toujours plus dans cet univers onirique à la limite du cauchemar Les effets techniques sont utilisés avec intelligence et parcimonie. Cette création offre un juste équilibre entre les textes, les personnages, les musiques et les effets techniques. Parfois inquiétants (limite flippants), l’instant d’après, les comédiens nous font voyager sur un autres texte tout en douceur. On navigue au gré de leurs envies sur l’océan des émotions et on se laisse submerger par la poésie.Laurent Pérez est convainquant et touchant dans le rôle du jeune Baudelaire qui devient grand. Il est vrai, sans fausses notes et se livre entièrement (il se met à nu. Littéralement ! Quant à Mathieu Hornain, il est magnifique en dandy séducteur et quelque peu malsain. Son personnage n’est pas sans rappeler un certain Oscar Wilde (dandy suprême).La scénographie est efficace, faite de pans de tissus blancs transparents qui se transforment en forêt épaisse, en océan immense ou bien en bûcher de l’enfer. L’escalier en colimaçon, structure importante de la scénographie et de la mise en scène, est une création d’Eric Sanjou qui a fait un travail magnifique, intelligent et tout à fait approprié.Aux amoureux de Baudelaire, de la poésie, de l’art, de la vie et de la mort, laissez votre esprit découvrir, redécouvrir, admirer et s’émerveiller devant la beauté des mots du poète et de la création de la compagnie L’Emetteur.
Cyriel Tardivel
13/11/2011
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