C'est le 17 novembre 1667 qu'Andromaque fut représentée, pour la première fois dans les appartements de la reine, par la Troupe royale. Jean Racine n'est âgé que de 28 ans à cette époque et déjà, son patronyme met en bouche les gens de la Cour. Andromaque, la tragédie de Jean Racine, s'invite Salle Richelieu à la Comédie française, jusqu'au 14 février 2011. La mise en scène de Muriel Mayette, la conjonction d'un décor de Grèce antique dans un vaste extérieur surmonté d'imposantes colonnes ioniques où le vent s'engouffre jusqu'à jouer avec le voile drapant les épaules des personnages.La lumière traverse le portique pour mettre en valeur, in situ, les éléments. Le comédiens répliquent en alexandrins l'intégralité du texte intégralement respecté selon l'œuvre à l'origine de Jean Racine. L'esthétisme d'Andromaque s'insinue dans la force vivante manifestée par l'évolution des comédiens, occupant l'ensemble de l'espace dévolu, œuvrant à dénouer amours et complots politiques. L'éphémère transpose l'intrigue dans un chaos confrontant les Grecs aux Troyens.Pyrrhus (Eric Ruf) et Oreste (Clément Hervieu-Léger), jadis amis, tombent dans les bras l'un de l'autre au début de la pièce. Pyrrhus cherche à se déculpabiliser aux yeux d'Andromaque (Cécile Brune). Il revient couvert de gloire car à l'aide de ses troupes, il a anéanti tout un peuple. Les Troyens ont été déchus en leur territoire. Andromaque, veuve d'Hector et captive de Pyrrhus, se trouve être l'unique survivante de ces massacres. Elle porte la mémoire d'un peuple désormais disparu, en compagnie de son fils Astyanax, sauvé in extremis par sa mère. Oreste n'a jamais eu le privilège de connaître le bonheur en famille. Il cherche vainement à s'extirper de cette vie emportée dans les remous du malheur. Hermione (Léonie Simaga) fut, en un temps, promise à Oreste et à Pyrrhus. Pylade n'a de raison que l'amitié et l'amour ressentis pour Oreste. Complice et meurtrier, il le suivra jusque dans les affres de l'enfer.L'amour bascule d'un cœur à l'autre entre ces cinq jeunes protagonistes. Un échiquier vivant sur lequel chacun damne le destin sur l'autre. Le fil conducteur de la tragédie amène à opposer amèrement Pyrrhus et Oreste. La raison du cœur l'emporte sur la raison d'être. La confiance et le respect, qui les liaient autrefois par une amitié indéfectible, s'effacent. Le sentiment de haine qui les sépare et les rapproche simultanément, leur amour pour Hermione. Hermione, une femme à la beauté fatale et au tempérament bien affirmé, dont le cœur oscille entre bonheur et incompréhension, amour et insurrection, vie et mort.Le destin de Pyrrhus s'achève prématurément, il meurt assassiné par les Grecs. Hermione, à l'annonce de cette nouvelle, se refuse corps et âme à la vie et succombe. Oreste, qui ne s'attendait pas à une telle issue, ne dispose plus que d'une seule solution, la fuite. Fuir le palais, pendant qu'il est encore temps.Andromaque, une tragédie racinienne mêlant l'intrigue au complot, conjuguant l'amour à la déraison, savamment mise en scène par Muriel Mayette. Une fresque d'histoire d'hier où la mosaïque des sentiments montre les revers intemporels de la conscience de l'homme. La velléité de nuire jusqu'à se venger d'une cause finalement perdue amène à commettre l'irréparable. Les victimes sont coupables d'être victimes. Aux armes, les guerres politiques, aux larmes, l'hymen à la joie.Les comédiens du Français ont majestueusement répliqué cette belle œuvre de la littérature inspirée en alexandrins par Jean Racine. Mention excellence pour l'interprétation de ces grands comédiens au service du beau théâtre.