ô Lectrice bien aimée,Me voilà dans un puissant conflit. Le méchant coupe la tête de celui qui lui apporte une mauvaise nouvelle. Mais toi, tu n'es pas méchante, tu es... bon : la bonté anime chacune de tes fibres, même collagènes. Et tu embrasses celui qui te remplit de joie. Et tu caresses de ton intelligence celui qui te fait sourire. Et tu couvres de ta beauté celui qui te fait rire. Or donc voilà que je pourrais être dans ces trois derniers cas, tout à la fois, tout simplement en t'écrivant nombre de propos du Rapport de Régis Mailhot, l'un des humoristes politiques actuels qui ait le plus de finesse, de subtilité, d'art en somme... et sans aucun besoin de ces vulgarités démagogiques des paresseux qui n'aiment pas vraiment leur travail. Mais si je te le raconte, ce Rapport, tu iras. Et, y allant, tu m'en voudras de te l'avoir raconté et de t'en avoir défloré quelques surprises. Et nous serons fâchés. Ô non.Alors comment te convaincre de te précipiter ? Te dire que j'ai ri de la dixième seconde à la dernière ? Te dire qu'à la dixième minute, je me suis dit, c'est pas possible, c'est trop bon, il faut que je note les meilleures, mais que je n'arrivais pas à suivre, et que pour la première fois de ma vie, j'ai regretté de ne pas avoir suivi le cours de sténo par correspondance que voulait m'offrir ma grand-mère soucieuse de mon avenir en papier ? Te dire qu'au balcon, sur le côté, au ciel, il y avait une ravissante brune qui ne cessait de sourire aux anges, le visage lumineux, tu verras, je parie qu'elle y est encore ? Te dire que j'ai échangé tellement de regards complices avec mes voisines désintégrées en éclats de rires, que mon carnet est couvert de numéros de téléphone, hélas illisibles, tellement nous tremblions après toutes ces rafales de rires et d'applaudissements ? Te dire que, eh bien oui, il y a en ce moment au moins un spectacle à Paris où l'on rit encore deux jours après, quand on y repense, comme à toute une ambiance, un feu d'artifice de l'intérieur ? Te dire que c'est bon d'avoir chaque neurone activé, transformé en papille ? Ah que Régis Mailhot est intelligent, ah qu'il est drôle dans ce one, bien plus qu'un one man show : un one homme d'esprit. Même l'excellent dispositif élyséen, l'angle de vue présidentiel, c'est le cas de le dire, qu'il adopte, je ne puis pas t'en dire plus : c'est trop simple, c'est trop bien.Voilà, ô Lectrice bien aimée, tu vois que je n'ai pas mis de tiret (ah ce trait d'union pourtant qu'entre nous sera le point-virgule), te sachant bien aimée par ailleurs. Mais... si tu emmènes ton fiancé voir le Rapport Mailhot, rassure-le avant et après, et le plus possible, car pendant, tu l'oublieras, et lui aussi, mais peu t'importera. C'est ainsi que j'ai perdu ma copine. Imagine le puissant conflit : depuis qu'elle est revenue, elle lit mes notes en boucle. Mais bon, quelquefois, c'est si
simple de rendre une femme heureuse. J'adore son rire.