Depuis le 24 mars 1976, l'Argentine, pays de Juan Manuel Fangio, le champion automobile et celui du tango, s'enfonçait dans la dictature. Une junte militaire avait pris le pouvoir par un coup de force, à Buenos Aires, en déposant la seconde femme et veuve du général Péron, Isabellita Péron. Sous l'impulsion de Washington, c'était toute l'Amérique latine qui avait basculé sous le joug des militaires : des généraux au Brésil à Pinochet au Chili, à Strssner au Paraguay, à la Bolivie où avait été abattu le "Che", en octobre 1967, en passant par l'Uruguay... Partout, l'armée faisait régner sa loi. Des Etats d'exception qui n'en finissaient pas de bafouer ouvertement les Droits de l'Homme. L'Amérique de Nixon avait d'ailleurs ouvert des écoles de la contre-guérilla et de l'antisubversion, au Panama, où venaient se former les jeunes officiers des Etats sud-américains. Au Chili, tout avait commencé par une grève des camionneurs financée par la CIA, les services secrets américains, paralysant le pays qui s'était donné un président socialiste, Salvador Allende. Puis, le 11 septembre 1973, le chef d'état-major de l'armée chilienne, le général Augusto Pinochet, avait envoyé l'aviation bombarder le Palais présidentiel situé au centre de Santiago. Allende, le président démocratiquement élu, n'avait eu qu'une seule issue : le suicide. Dans la capitale chilienne, le stade avait été immédiatement transformé en un immense camp de détention, où l'on parquait, torturait, exécutait les syndicalistes et les opposants au régime. Toutes celles ou tous ceux qui étaient soupçonnés de sympathies communistes ou socialistes et même des démocrates-chrétiens étaient arrêtés, incarcérés et interrogés. Même le président de tendance politique centre droit, Eduardo Frei, sera arrêté et retenu longuement par les forces anticommunistes et antimarxistes, comme ils se dénommaient pompeusement. Aussitôt, après avoir conquis le pouvoir, le général Pinochet avait lancé l'opération "Condor", en liens étroits avec les cinq autres pays d'Amérique latine, afin "d'éradiquer" la subversion au-delà même des frontières. En effet, trois années plus tard, en septembre 1976, Orlando Letelier, ancien ambassadeur du Chili à Washington, était retrouvé mort et mutilé au Sheridan Circle, le quartier des ambassades de la capitale américaine. Une bombe télécommandée avait fait exploser sa voiture... En Argentine, une politique de répression allait être menée dans tout le pays, sous la direction des généraux et des amiraux de la junte et sous l'égide de groupes paramilitaires de l'Alliance anticommuniste argentine (AAA). Des généraux qui disaient "préférer leur cheval à un communiste". Des dizaines de camps d’internement s’étaient ouverts. L’armée arrêtait en masse des opposants et des sympathisants de gauche, des communistes, des syndicalistes ou des individus soupçonnés abusivement. Une véritable folie répressive s'était emparée du pays. Des personnes disparaissaient mystérieusement, sans laisser de trace. Et l'opinion publique internationale, les gouvernements occidentaux restaient étrangement muets face à cette situation. Le principal camp de la répression se trouvait au sein même de Buenos Aires. C’était l’Ecole supérieure de Mécanique de la Marine argentine (ESMA), située dans les quartiers résidentiels de la capitale. Toutes les nuits, des Ford Falcon, de couleur vert sombre, sans plaques d’immatriculation identifiables, sillonnaient silencieusement les rues et les avenues de la ville. C'étaient les terribles commandos de la mort, dirigés notamment par le capitaine de corvette de la Marine argentine, Alfredo Ignacio Astiz, surnommé "El Cuervo", "le Corbeau", et par Jorge Eduardo Acosta Aubone, appelé, quant à lui, "El Tigre". 30.000 personnes allaient disparaître dont 5.000 entre les les murs de la sinistre ESMA. Des centaines de détenus, dont on voulait effacer l'existence, étaient largués vivants, au large du Rio de Plata, au-dessus de l’océan Atlantique, lors des sinistres "vols de la mort". Des femmes enceintes accouchaient en détention. On leur arrachait leurs bébés sur ordre d’Astiz, et elles disparaissaient pour toujours. Quant à ces enfants, ils étaient placés dans des familles de militaires pour y recevoir une éducation de qualité... C'éait cela, avec bien d'autres choses encore, l'Argentine de la dictature militaire, entre 1976 et 1983. Et il a fallu la cuisante défaite de la guerre des Malouines pour abattre finalement la junte... En 1990, le capitaine de la Marine argentine, Alfredo Astiz a été condamné à la détention à perpétuité, par contumace, par la Cour d'assises de Paris. Plusieurs mandats d'arrêts internationaux émanant de la France, de l'Espagne, de l'Italie, de la Suède, ont été lancés contre lui...
Cette pièce théâtrale, L'Ecole du Crime, se déroule principalement entre quatre personnages. Alfredo Astiz, capitaine de la Marine argentine, chargé de la répression et des commandos de la mort à l'ESMA, Azecuna Villaflor de Vicenti, première présidente des Mères de la Place de Mai, et deux religieuses françaises, arrêtées et exécutées parce qu'elles aidaient les familles de disparus dans les bidonvilles de Buenos. L'essentiel de l'action se déroule entre les murs de l'Ecole de Mécanique de la Marine argentine (ESMA), principal lieu de la répression lors de la dictature argentine de 1976 à 1983.
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