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Entretien Les beaux jours de Marion Courtris à Marseille
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Marion Coutris, une artiste qui s’appuie sur de belles expériences d’auteur, de comédienne et de metteur en scène. La dernière en date, Oh les beaux jours de Beckett au théâtre Nono à Marseille.
GROS PLAN |
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© X,dr |
Marion Coutris, j'ai été enchanté de vous rencontrer au Théâtre Nono à Marseille et d'apprécier, in situ, votre magnifique interprétation de Winnie dans la pièce de Samuel Beckett, Oh les beaux jours. Le théâtre. Est-ce une vocation, une passion ou les deux à la fois, peut-être ? "Si on entend le sens premier de vocation, voce, tout à la fois une petite voix qui vous susurre c’est ton chemin, va par là , avance, change, et aussi un appel, énigmatique mais certain, oui alors, il y a vocation. Mais évocation aussi : l’idée que le théâtre est l’endroit où s’exprime le monde, l’idée que le théâtre contient quelque chose de plus important que lui-même. Une aventure humaine, surtout. L’espoir de cela. Quant à la passion, elle vient de "souffrir" n’est-ce pas ? La démarche artistique réclame toujours sa part de sacerdoce, mais cela n’est pas un but. Chez Beckett, la souffrance c’est l’homme tel qu’il vit, mais l’écriture c’est un sacerdoce et aussi le plaisir ultime. Le travail reste le processus essentiel, je trouve."
Le rôle interprété qui vous a le plus marqué dans votre carrière ? "Sur Jeanne des Anges dans Les Possédés de Loudun, adaptation que j’avais écrite en 1992 d’après son récit."
Quel auteur dramatique, ambitionneriez-vous d’approcher dans un prochain spectacle ? "Artaud. Joyce."
Comment avez-vous abordez le texte de Beckett, Oh les beaux jours ?
S’avère-t-il difficile à apprendre au regard de la performance qui dure presque deux heures ? "Sans schéma préconçu. Je savais qu’il n’y aurait pas de travail de plateau possible avant une parfaite connaissance "organique" dirais-je du texte mais aussi des didascalies. Donc, deux mois de travail sans mettre le pied sur le plateau. Une fois la contrainte dépassée, on peut, seulement, commencer à aborder la question du jeu, du théâtre. La contrainte est très forte chez Beckett. La liberté immense ensuite. Drôle de paradoxe."
Winnie, cette vieille femme qui s’adresse à Willy, son mari décédé. De quelle façon, vous êtes-vous imprégnée du personnage pour le restituer au plus près du texte de Beckett ? "Est-il vraiment mort ? Est-ce juste l’amour, qui est mort ? A-t-il jamais existé ? Chez Beckett, nul secours n’est à attendre de la psychologie des êtres, la seule chose qui compte et construit le travail de l’acteur, c’est les mots, leur flux, leur souffle, leur rythme. Accepter cela. Les mots sont une large toile qui renvoie au spectateur ses propres questionnements, sur laquelle il projette ses inquiétudes, ses rêves, son imaginaire. Willy/Winnie c’est tous les couples et ce n’est pas un couple. Et tous ces états de la conscience doivent se refléter dans la parole fleuve de Winnie, sans jamais se stabiliser dans une posture figée, claire. Winnie est un champ de digression imaginaires infini."
Porterez-vous un autre regard sur les personnages âgées après avoir joué cette pièce ? "Winnie ne se sent pas âgée (d’ailleurs elle ne l’est pas : "la cinquantaine", dit Beckett) mais elle sait que le temps est passé. Qu’il y a eu des choses avant, et que demain sera pareil à aujourd'hui. "Avoir été toujours celle que je suis et être si différente de celle que j’étais." Ce que je pressens au travers de ces mots qui sont ceux de l’auteur c’est qu’un être qui vieillit reste et demeure un être de désir, il reste aussi celui qu’il était, plus jeune, enfant, petit enfant, et même "dans la matrice".
La mise en scène de Oh les beaux jours a été réalisée par Serge Noyelle et par vous. Deux avis valent mieux qu’un pour mettre en scène ce texte profondément humain ? "Non, seul Serge a réalisé la mise en scène, je m’attellerai à celle de En attendant Godot. Ici les rôles doivent être partagés et l’acteur doit rester seul, dans sa confrontation "intérieure" avec le personnage. Il ne peut pas juger et ne doit pas le faire. Je dirais même qu’il se doit de jouer dans une forme d’inconscience. Il est dans le monde du sensible. Quant au travail de mise en scène, qui lui aussi est une vision, je crois qu’il doit demeurer intègre, singulier et n’a pas à se justifier. C’est pourquoi il n’y a pas vraiment de démocratie en art."
Quels sont vos projets à venir avec le Théâtre Nono ? "Nous espérons jouer à Pékin ces créations en 2014. Puis créons un spectacle imaginé par Serge pour un paysage extérieur, sauvage et maritime, aux pays-bas, puis à New York. C’est un texte que j’ai écrit One Day another et qui est un matériau polyphonique pour acteurs, danseurs et chanteurs de sept nationalités différentes. Une vaste installation plastique. Et les spectateurs traversent cet univers... Puis Barocco, une création également, où nous aborderons une variation très contemporaine sur les traces empruntées par l’art baroque."
Le théâtre de demain, comment le voyez-vous ? "Il faut qu’il réinvente ses publics. Il faut qu’il s’interroge sur son sens dans la cité. Qu’est-ce qui rend cette parole de théâtre, irréductible ? Il faut qu’il renoue avec un rite social de retrouvailles et de réflexion commune."
Marion, si vous étiez un vin. De quelle région, proviendrait-il ? "Chambolle-Musigny Bourgogne pour la phonétique du nom, Pomerol pour la somptuosité, mais un bon Whisky irlandais peut aussi faire l’affaire !"
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Publié le 02/06/2013
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