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 Entre la rue Gît-le-Cœur et la Place Saint-Michel, la comédienne Jeannine Milange ressuscite, le temps d’une soirée, le monde de Jehan-Rictus baigné de la poésie des faubourgs, de Montmartre et de ce Paris des petites gens dont la langue fleurie s’appelait l’argot...
Place Saint-Michel, passons les arcades et descendons les sept marches qui nous conduisent à la rue de l’Hirondelle, un des plus vieilles voies de la capitale, puisqu’elle figure déjà sur un plan du XIIe siècle. La Vénus noire se situe à notre gauche. C’est l’ancien Caveau de La Bolée, hanté par la Bohême des XIX et XXe siècles. Si on y a vu Francis Carco et Robert Desnos, Verlaine et Rimbaud les ont précédés, tout comme Baudelaire et Jeanne Duval, la belle métisse, qui a sans doute inspiré les nouveaux propriétaires. D’où ce nom de "La Vénus noire".
Jeannine Milange a fait sienne la légende du lieu et c’est comme sur un écran qu’elle nous projette sa fantasmagorie, une série de personnages que non seulement Jehan-Rictus a côtoyés, mais avec qui il a vécu. Malgré son nom Gabriel Randon de Saint-Amand ce poète populaire a connu la misère. Candidat aux petits boulots qui ne duraient pas, il vivait tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Il lui est arrivé de dormir sur un banc. Les asiles de nuit ont été aussi ses refuges, jusqu’à la rencontre du poète symboliste José-Maria de Heredia, qui lui procure un petit emploi à la Ville de Paris. Il tâtera ensuite du journalisme, sans grand succès. Un autre poète, Albert Samain, lui donner l’idée de monter sur scène. C’est ainsi qu’en 1896, au "Quat’Z’Arts", il lancera son fameux Revenant, qui impressionnera tout le monde. C’est l’histoire d’un sans-abri, qui voit apparaître un compagnon étrange, un copain au sens propre du terme c'est-à -dire quelqu’un avec qui l’on partage le pain. Or ce camarade, qui parle comme lui, n’est autre que le Christ, réincarné dans un milieu de malfrats. L’inspiration est donnée et bien des personnages naîtront à sa suite. Ils déborderont de ses trois recueils : Les Soliloques du pauvre, Les Cantilènes du malheur et Le Cœur populaire.
C’est Vicky Messica, directeur du Théâtres des Déchargeurs, aux Halles, et habitué du Club des Poètes - une émission de la télévision d’alors - qui encouragera Jeannine Milange à faire connaître Jehan-Rictus. Ce fut un succès, elle enregistrera même un CD. Comédienne accomplie – elle joue tout autant Musset, Shakespeare, Claudel et les contemporains - elle entre dans la peau de chaque personnage avec un grâce, un ton gouailleur, la casquette sur l’oreille, et l’œil vif, tantôt moqueur, tantôt humide. La palette va du vert tendre au noir le plus complet. Ce qu’elle nous décrit et en cela elle est indispensable aux amoureux du Paris disparu c’est l’envers de la Belle Epoque, avec ce parler si savoureux, hérité des Coquillards du Moyen-âge, l’argot. Vraie langue de contrebande, cette contrebande c’est celle du cœur. Ainsi défilent, dans une demi-obscurité Bibi, la purée, Pauvre Julien, la pierreuse, la pipelette et tant d’autres… « Les Petites baraques » ouvrent une fenêtre sur le Boulevard de Clichy, à l’heure de Noël et des étrennes avec des enfants aux yeux éblouis. Et « Le Printemps » est une déclaration d’amour à ce Paris-là  :
"Amour, lilas ! Cresson de fontaine
Les palpitants guinch’nt en pantins
Et de Montmertre à L’av’nue du Maine
Ça trouillott’ du côté de Pantin."
Mais, les deux grands moments de cette soirée restent La Prière de la Charlotte une pauvre mendiante, sur le point de succomber, voit entrer les fidèles à Notre-Dame pour la messe de minuit et La Jasante de la vieille sur sa tombe, une mère pleure son fils guillotiné. Malgré la teneur des poèmes, pas une seule fois l’on tombe dans le mélo. Jeannine Milange sait retenir nos émotions, parce qu’elle a fait sienne l’immense sincérité de Jehan-Rictus. Après un tel spectacle, on se sent plus fort. Donc, à ne pas manquer ! |
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Mis à jour le 12/02/2017
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NOTEZ-LE |
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Attention, la date du 20 février est annulée, mais le spectacle se joue régulièrement. S'adresser à La Vénus Noire pour les réservations. |
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