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 Deux ampoules sur cinq, un carnet de notes écrit au terme de plusieurs rencontres entre Anna Akhmatova, poétesse russe du XXe siècle, et Lydia Tchoukovskaia, femme de lettres et écrivain russe.
Théâtre Gérard-Philipe sis à Saint-Denis, un lieu de rencontres et de cultures récemment mis en scène par une déferlante médiatisation de la performance de Brett Bailey, Exhibit B. Les pour ont pu voir cette création, les contre ont perturbé la performance, scandé des propos difficiles à comprendre et manifesté une colère rouge sanguine. Parenthèse. Dans son édito d'ouverture de saison au TGP, Jean Bellorini déclarait : "Le théâtre est l'endroit du vivant...Il y a une forme de délivrance dans le choc poétique d'une représentation théâtrale."
La scène du Théâtre Gérard-Philipe, c'est l'éclectisme de la rencontre des opposés artistiques et ce pluralisme d'individualités est humainement passionnant. Deux ampoules sur cinq, le choc poétique d'une représentation théâtrale.
La vie d'Anna Akhmatova, une poésie dédiée à l'amour et à la tragédie. Trois mariages, un fils, une œuvre poétique reconnue, une plume controversée de nombreuses années durant, Anna connaît la purge littéraire alimentée par les intellectuels du pouvoir.
Lydia Tchoukovskaia, fille de l'écrivain Kornei Tchoukovski, s'inscrit dans une écriture engagée. Engagé devait l'être son mari pour avoir été arrêté et fusillé. Exclue de l'Union des écrivains soviétiques comme Anna Akhmatova, l'estime de la critique et la reconnaissance publique interviendront tardivement avec son roman La Plongée, édité à la fin des années 80.
Deux ampoules sur cinq, une pièce adaptée des notes extraites des rencontres entre Anna Akhmatova et Lydia Tchoukovskaia, par Isabelle Lafon. En France, les éditions Albin Michel ont été les dernières à publier Entretiens avec Anna Akhmatova. Un livre d'impressions déclinées en confessions identiques à des pierres qui hurlent, des sentiments qui traduisent des vides existentiels, des mots relevés sur des omissions de l'essentiel, des paroles qui tremblent à l'évocation de vers dévastés par l'ignorance. Les notes de Lydia Tchoukovskaia sur Anna Akhmatova effleurent avec pudeur la femme, éclairent la poésie de l'auteure, s'osent à l'accompagner dans des silences avec des mots simples.
La mise en scène d'Isabelle Lafon, un exercice littéraire qui prend appui sur une succession de dates extraites aux notes.
L'essence de la poésie d'Anna vit et vibre à la lecture de quelques passages par Lydia Tchoukovskaia, interprétée dans la pièce par Isabelle Lafon. La scénographie, une longue table sur laquelle sont disposés des livres en vrac. Les couvertures abimées traduisent des heures de lecture assidue, les titres en cyrillique inscrits sur la tranche incitent à prendre les livres pour les découvrir.
Anna Akhmatova est interprétée par Johanna Korthals Altes. D'abord installée en bout de table, elle prend place à côté de Lydia au fur et à mesure que les dates défilent. Leurs visages se découpent sous le halo de la faible lumière renvoyée par la lampe posée devant une pile de livres. Lydia lit à Anna ses notes, Anna les écoute et les argumente de propos personnels et parfois imprécis.
Le public, pris à témoin de cette rencontre entre les deux femmes de lettres russes, éclairent des torches remises avant la représentation, Anna Akhmatova. Le cheveu aussi noire que l'encre qui lui servit à écrire ses poèmes, Anna passe en revue certaines parenthèses de sa vie de femme et d'écrivain. Ses yeux plongent dans la pénombre de la salle et en remontent quelques vers lus ou récités par Lydia.
Isabelle Lafon et Johanna Korthals Altes se livrent à page ouverte dans une Russie gangrénée par une misère sociale et intellectuelle. Certains littéraires doivent taire leur plume au risque d'être exclus de l'Union des écrivains soviétiques. Lydia Tchoukovskaia et Anna Akhmatova en furent et estime leur fut restituée au seuil de leur carrière.
Deux ampoules sur cinq, des notes sensibles et tragiques à écouter de la voix d'Isabelle Lafon et de Johanna Korthals Altes dans cette magistrale adaptation et mise en scène confondue. "Nous vivons tous pour l’avenir et je ne veux pas qu’une tache aussi infâme reste sur moi", extrait d’une lettre d’Anna Akhmatova écrite à Staline en 1938. |
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Mis à jour le 11/12/2014
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