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En première partie du spectacle Les Survivants, la compagnie SaltaRock, avec Cédric Polleux et Laure Hunot, présente son spectacle Danse en trois temps. Sur un écran, est projeté un film muet d'abord en couleur qui nous présente un couple de personnes âgées nostalgiques de leur jeunesse, il se rappelle leur passion pour la danse en remontant les années via un album photos. Le film passe alors au noir et blanc, et parcourt des années 1920 à 1960, la vie des protagonistes, amoureux et animés par l'art de la danse. Des allers-retours sont effectués entre le temps présent et le temps passé. Ce dernier intègre des séquences où les personnages de la fiction sortent de l'écran et deviennent réels, ils dansent devant nous, charleston, rock, rock acrobatique ! Du fait de leur surdité, on remarque chaque bruit, chaque son, le vacarme en coulisse, la percussion des pas sur le plateau, le rythme n'est pas régulier mais saccadé à la différence des mouvements qui sont souples, fluides, et légers. Leurs costumes traversent également les époques, de la robe charleston, à la tenue de marin partant à la guerre, à celle du noir et blanc. Les danseurs-comédiens sont élégants, et on admire leur manière de se mouvoir !
Après un très bref changement de plateau, le spectacle Les Survivants débute. Les comédiens arrivent dans notre dos, seul ou par binôme, poussière, cendre les recouvrent. Leurs démarches lentes, saccadées, articulées, leurs regards étonnés, enchantés, ébahis, les font naître sous nos yeux. Ils semblent revenir d'entre les morts, et lutter pour rester en vie. Ils se proposent de partager cette cendre, qui devient une poudre magique et permet de pénétrer dans leur histoire. Celle des sourds qui se battent pour être plus vivants, plus présents que jamais et qui font de leur langue, un langage universel à travers mille changements d'état.
Le spectacle porte sur des textes de Boris Vian projetés sur les rideaux du fond de scène : Je voudrais pas crever, Les Joyeux Bouchers, Terre-Lune, L'Evadé entre autres. Ils sont signés, chorégraphiés et essentiellement vécus à l'instant T.
Les six danseurs-comédiens sont sourds, mais cet handicap est très vite oublié. Le travail effectué dans le silence est d'une puissance rare : sensualité du corps, animosité du regard, férocité des gestes ; la folie est toujours proche, ils sont au bord d'un précipice, peuvent être déséquilibrés, mais ils ne chutent jamais, toujours ils rebondissent ! Ils travaillent en chur, détachant parfois un coryphée, la parole est passée de manière douce, elle coule, une réelle écoute permet une vive réactivité du chur et la naissance d'une unité.
Des espaces se créent sous nos yeux, ils se font et se défont, pour construire d'autres espaces ; il en est de même pour leurs mouvements, la fin d'un geste donne naissance au suivant, la transformation est constante, la métamorphose vitale. Une marche militaire devient un tango, et une mitraillette un violon ! La lumière guide les six corps habités des pieds à la tête sur la scène, tantôt tamisés, tantôt éclairés par une douche, tantôt mis en valeur par plusieurs projecteurs, les variations sont nombreuses et riches. Les seuls sons audibles sont ceux du rythme d'une marche militaire, de leur respiration, de leur cri de détresse, de rage, de douleur, de violence, de dégoût. Chaque personnage raconte son histoire, et sans aucun mot prononcé, le public la tisse sans difficulté. Se débattre, emprisonner, libérer, accoucher, distribuer, se cacher, bouder, les actions sont plurielles.
La performance sur Les Joyeux Bouchers est remarquable. Les comédiens font chacun preuve d'un appétit féroce, cannibalisme, décapitation, sadisme sont mis en scène. On imagine le sang dégouliner, gicler, se répandre sur les corps. On voit des couteaux aux lames acérées, des dents aiguisées, le chaos des corps déchaînés, désarticulés. Le travail du geste est lent, et fait apparaître mille infimes mouvements qui touchent, et bouleversent.
Une poésie engagée à l'image de Vian se déroule sous nos yeux. Les comédiens-danseurs sont fascinants, se font écho les uns aux autres, ils nourrissent et enrichissent sans cesse le travail de leurs camarades de scène, et font preuve d'un travail physique intense. Dans ce spectacle, tout peut basculer, de la romance à la tragédie, du rire aux larmes en un clignement d'il. La guerre détruit l'amour, détruit la beauté, mais il faut lutter, le discours de Vian est retransmis avec fidélité et respect, et le spectacle résonne dans cette dernière citation "A moi le silence éternel de l'espace infini". Pendant plus d'une heure, devant nous, "ils ont eu le temps de vivre", n'hésitez pas à leur redonner cette chance, en sachant que vous serez les plus chanceux dans cette histoire ! |
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Mis à jour le 27/02/2013
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