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 La vision contemporaine d’une des plus grandes oeuvres de Shakespeare, vue par Olivier Py. Quand le classique rencontre le moderne.
Olivier Py nous présente aujourd’hui sa version de Roméo et Juliette. Bien que cette tragédie d’amour ait été au cours des siècles reprises mainte fois, son travail tend en une uvre originale et inédite. Pour preuve, la traduction des vers de Shakespeare est directement réalisée par le metteur en scène lui-même.
Cette saison est particulièrement riche en reprise de Roméo et Juliette, aussi le nom de Py attire et intrigue-t-il. Cependant sa version n’est pas si "trash" qu'on aurait pu le penser. Au contraire, il relate bien l’amour impossible des deux protagonistes. Sa version nous offre un amour intense du fait même qu’il est impossible. Roméo n’aimerait pas Rosaline, puis Juliette, s’il pouvait vivre le parfait amour avec elle. De plus, sa traduction permet une compréhension immédiate et nouvelle de cette uvre. D’autant plus intéressant que toute la dimension érotique et coquine de Shakespeare est enfin mise en avant. Au premier abord, cela dénote légèrement des traductions habituelles comme Hugo, Markovitch et Depras, mais finalement c’est un coup de jeune que Py offre aux vieux amants.
Les costumes, très actuels, sont dans la veine de ce travail. Ici pas de fraise ou de collant, juste des costumes simples pour les hommes et une robe blanche pour Juliette. Le décor évolue à vue, mis en place par les acteurs et plusieurs techniciens de plateau. Quelques grosses structures s’en détachent (sorte de plateforme, grands escaliers...). C’est sombre, c’est simple, c’est pratique et utile (certains éléments de la scénographie, tels des tableaux noirs, permettent une écriture à la craie). Judicieux.
Des entrées et sorties dans le public, toujours appréciables, histoire de casser le quatrième mur, le public fait partie du spectacle et peut ainsi voir les acteurs de plus près. D’ailleurs, Capulet s’adresse directement aux spectateurs durant la fête, et il n’est pas le seul. Nous sommes donc les témoins intimes de la tragédie que vivent les personnages.
Très intéressant également le choix des masques pour la fête et pour l’identification des personnages. Tybalt est magnifique avec son masque de lion, Benvolio celui du cheval, Capulet le cochon et Roméo la mort.
Des interprétations magnifiques ! Les acteurs jouent plusieurs rôles à la fois, excepté Juliette. Ainsi Matthieu Dessertine interprète Montaigu qui devient son propre fils Roméo ; Olivier Balazuc est à la fois Capulet et son futur gendre Paris. Ces doubles jeux permettent certaines scènes magnifiques où l’acteur, seul, se donne la réplique. Un chapeau, un voile ou un manteau suffisent à signifier le personnage. Superbe ! Impensable de mentionner cet effet du jeu sans parler de Quentin Faure. Il est à la fois Lady Capulet, géniale en femme soumise et anxieuse, et Tybalt, terriblement sexy et fort dans le rôle du Prince des chats, duelliste incontesté. Sa performance est éblouissante à tous les niveaux !
Mireille Herbstmeyer, en nourrice, est drôle, son personnage est une sorte de Colombine de la commedia dell’arte, brute de décoffrage. Parfois agaçante, parfois touchante, souvent secondaire dans les représentations de Roméo et Juliette, elle est un personnage marquant et attachant de cette version.
De bons comédiens, des personnages humains et colorés. Déception, en revanche, quant aux interprètes des protagonistes. Matthieu Dessertine est intéressant dans son jeu du fait qu’il joue deux personnages, mais son Roméo nous paraît faux. Il se contente de jouer sans vraiment vivre son personnage, il transmet quelques émotions mais sans teintes, sans nuances. Soit il souffre et crie, soit il est heureux (passe encore...), soit il est triste. C’est du cabotinage ! Dommage car il possède pourtant toutes les qualités pour être un formidable Roméo, jeune, beau, juvénile, masculin, doux. Il nous prouve qu’il peut interpréter différents personnages, maintenant il doit mettre de la vie, de la profondeur, du souffle, de la vibration, de la passion dans son interprétation. En ce qui concerne Juliette, interprétée par Camille Cobbi, c’est... pire. Elle se contente de deux émotions, heureuse ou malheureuse. Son jeu est dur, sa voie, légèrement cassée, n’est déjà pas facile à l’oreille pour ce personnage, mais cela ne serait rien si elle comprenait le personnage. Elle est toute en force et uniquement en représentation pour interpréter une jeune fille qui n’a pas encore 14 ans, en pleine puberté et qui découvre l’amour, le sexe, la mort, la révolte contre ses parents et le monde. Juliette est loin d’être un personnage naïf et stupide. Camille n’est absolument pas crédible. Lorsqu’elle est triste, elle couine et halète à chaque fin de phrase. Une Juliette pitoyable.
Barthélémy Meridjen, lui, est un peu le Monsieur Loyal de cette pièce. Indispensable, il interprète également tous les personnages de courte durée. Il est vif, drôle et donne du rythme. Le rythme, justement. Olivier Py a fait le choix de jouer la pièce dans son intégralité, ce qui n’est pas forcément nécessaire car nombre de passages sont des ré-explications de l’action et alourdissent, à notre avis, le texte. Aussi, les trois heures de représentation pourraient-elles être raccourcis. Le spectacle y gagnerait en force et en rythme.
Heureusement, Jérôme Quéron, pianiste sur scène, présent du début à la fin, ponctue les scènes et les jeux des comédiens. Une idée excellente que cette musique au piano jouée en direct. Alors, certes, on s’attendait à une version trash et choquante des amoureux de Vérone par Olivier Py mais ça reste finalement sobre et intelligent. Certes, il y a là quelques corps nus, mais dans la pénombre ou en passage bref, des positions scabreuses mais en rapport avec le texte et une ou deux scènes de combat très chorégraphiées et donc peu crédibles voire pathétiques. Une version plutôt réussie dans l'ensemble, qui nous permet de voir et d’entendre l’histoire de Roméo et Juliette du point de vue sexuel de Shakespeare. Enfin ! |
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Mis à jour le 04/05/2012
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