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de Ingmar Bergman
Mise en scčne de Francis AzĂ©ma
Avec Francis Azéma, Bruno Belon, Orély Minelli
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 Un hommage vibrant au comédien et réalisateur suédois Georg De Klercker. Un homme peu connu mais passionné, pour qui son travail était toute sa vie.
Dans les années 1910 à 1920, Georg De Klercker, jeune aristocrate, quitte une carrière militaire pour les planches de théâtre et plus tard les plateaux de cinéma. Il travailla avec Svenska Biografteatern Studios à Stockholm, puis avec les studios Pathé. Au cours de sa carrière, il réalisa 29 films en trois ans, une belle performance. Ses films remportent d’ailleurs un certain succès, caractérisés par "une cinématographie remarquable, expérimentée, avec des éclairages avancés". Mais lors de la fusion entre les deux sociétés Hasselblad et Skandia, Georg disparait du milieu cinématographique. Très affecté, il s’en suivra une descente dans l’alcool et la tristesse de son métier, tant aimé, mais désormais perdu.
C’est par la découverte d'Un Dernier Cri de Bergman, que Francis Azéma eut l’envie de mettre ce texte en lumière sur la scène de son théâtre, le théâtre du Pavé. Pendant plus d’une heure, il interprète avec brio un Georg De Klercker, déjà en pleine chute, qui revient voir un vieil ami et collègue devenu désormais un membre imminent de la Svensk Filmindustri. C’est l’appel au secours, le cri de désespoir et de détresse de cet homme qui, par trop d’intégrité peut-être, fut mis au banc de sa passion. Georg De Klercker boit, se remémore les anecdotes et le bon vieux temps, en rit, en pleure. Mais surtout, dans un dernier élan d’espoir, sollicite son vieux compatriote pour que celui-ci produise son prochain film qui sera à coup sûr un succès. Il ne s’agit rien de moins que de réaliser une adaptation cinématographique du roman Justine ou les malheurs de la vertu du Marquis de Sade. Et oui, tout un programme ! Georg est ému, émouvant avec ses souvenirs du bon vieux temps, avec son idée un peu folle et son désir brulant et vital qu’on lui donne la possibilité de continuer à faire ce qu’il aime le plus au monde. Au fur et à mesure, Georg est de plus en plus saoul. Un petit bémol pour le jeu d’Azéma qui campe un homme qui tient un peu trop bien l’alcool au vu de tout ce qu’il absorbe. Ça manque de "folie éthylique", de corps doucement mais surement terrassé par l’alcool, de ruptures et de changement d’émotions brutal... Il ne faut pas perdre le personnage et la compréhension du texte. D'autant que, finalement, la pièce toute entière s’apparente plus à un monologue de Georg De Klercker. Mais son personnage en gagnerait en pathétique, en désespoir dans cette chute inévitable qu’il s’est lui-même créé et qui l’entraine au fond du gouffre. Cela dit, son interprétation est remarquable. Francis Azéma mange la scène et concentre toute l'attention sur lui.
Pour lui donner la réplique... muette, Bruno Belon interprète l’ancien collègue et ami de Georg, Charles Magnusson. Il est difficile de jouer un personnage qui n’a pratiquement pas de texte et reste silencieux tout au long de la pièce. Mais ce personnage est indispensable car il est le miroir dans lequel Georg voit son propre reflet. Miroir de sa décadence, de sa chute ; miroir du regard de ses anciens collègues, des autres qui ont réussi et qui le regardent avec mépris ; miroir de la société dans laquelle il ne trouve plus sa place et qui reste muette face à ses suppliques et ses pleurs. Egalement miroir des spectateurs, Bruno Belon fait le pont entre le public et ce pauvre Georg. D’ailleurs, c’est au gré des réactions de Charles Magnusson que Georg réagit. Malheureusement, l’interprétation n’est pas à la hauteur. Bruno Belon ne vit pas, ne vibre pas, ne semble rien ressentir. Il se contente d’observer son collègue. Dommage. Par son ressenti muet, tout le plateau vibrerait intensément. On ne serait plus fixé uniquement sur Azéma ; il s’établirait un jeu de ping-pong entre les dires de Georg et les réactions sans parole de Charles. La tension et l’émotion seraient palpables, le plateau serait électrisé et le public resterait en suspens, ne sachant ce qu’il va se passer. De même pour la charmante Orély Minelli qui apparait quelques minutes au tout début. Elle est jolie mais son jeu est mécanique, froid et sans intérêt. C’est bien triste car elle est la touche de douceur, de gaieté et d’érotisme contrastant avec la vie brisée de Georg.
Un contraste saisissant et très bien mené est celui de l’état actuel de Georg, qui s’enfonce un peu plus chaque jour dans la misère, face à l’opulente et confortable vie que mène Charles Magnusson. La scénographie, impressionnante de réalisme, est somptueuse. Otto Ziegler a reproduit un magnifique et gigantesque bureau. Celui d'un grand patron d’une boite de productions à succès et de films à gros budget.
Pour cette création du Théâtre du Pavé par la compagnie Les Vagabonds, Francis Azéma s’est fait plaisir et rend un hommage vibrant à Georg De Klercker. On sort de la représentation avec l’envie d’explorer les uvres cinématographiques et théâtrales de cet artiste. Et surtout, on pense à tous ceux qui sont passionnés par leur métier, mais qui, trop intègres ou trop vrais, trop ou pas assez on-ne-sait-quoi, sont mis hors-jeu et se meurent de ne pouvoir faire ce pourquoi ils sentent qu’ils sont destinés. Et tout spécialement dans le milieu magnifique mais ô combien traitre et dangereux du monde artistique. |
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Mis à jour le 20/09/2012
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