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de Carole Fréchette
Mise en scčne de Luc Dezel
Avec Tristan Willmott, Anne Tappon, Yan Richard
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 Itinéraire d'un Sans Destinée Fixe pas gâté ou comment sortir du chômage par les arcanes de la rêverie
A peine installé dans la spacieuse et confortable salle du théâtre Le Point du jour, Nathalie se propose de vendre une cassette vidéo. Attention, il ne s'agit pas de n'importe quelle cassette : y sont enregistrés ses cours de bouche ouverte et... de bouche fermée. Démonstration à l'appui, le public en reste bouche bée. Apparaît sur la scène un grand et svelte jeune homme, la chevelure épaisse, l'il vif et rieur, le costume couleur vert pomme acidulé jusqu'aux espadrilles assorties. Simon Labrosse, dit-il s'appeler. En sa compagnie, un garçon tout de noir vêtu contrastant avec le teint blafard cadavérisant son visage maculé de rien, s'accroche à Simon. Ce dernier présente son ami Léo, affecté d'une maladie irréversible due à une chute de brique sur sa tête dans l'enfance. Le cortex est touché.
Depuis, Léo broie du noir à être incapable de prononcer des mots positifs. Etrange pathologie que voilà . Le vide s'est inconsciemment projeté dans la vie de Simon : le travail, il en cherche ; son amie Nathalie est partie en Afrique dans un pays se terminant en i, soignée les plus démunis ; son intérieur à vivre se résume à un fauteuil, un escabeau à usage de bibliothèque, un transistor à cassettes, des imprimés publicitaires jonchant le tapis.
Simon, c'est l'incarnation du promeneur des Rêveries d'un chômeur solitaire. Autobiographie d'un homme perdu dans les rouages de la société, confessions intimistes mélangées d'un sentiment de mea culpa d'avoir laissé fuir Nathalie vers l'inconnu en i. D'ailleurs, Nathalie existe-t-elle réellement. Contribua-t-elle vraiment un instant au bonheur de Simon ? Questions existentielles qui amènent Simon à se débarrasser de l'impédimenta des conventions sociétales. La quête d'emploi de Simon se compose de sept historiettes, harmonie de futilités, de poésie et de tendresse. La prose accentuée d'idiomes québécois restitue à la pièce une réflexion philosophique corrélant à un personnage au devenir en déclin, à un avenir incertain où fusent idées insensées et sentiment d'empathie.
Simon, loin d'être matérialiste, se voue une vocation différente à chaque jour levé, l'espoir en point de mire. Un jour, il se voit en spectateur personnel, le lendemain en finisseur de phrases, en cascadeur émotif, etc. Tour à tour, Nathalie pétillante ou fuyante et Léo l'âme baudelairienne annonce à chaque réveil de Simon, le même refrain : "Au matin du premier jour, Simon Labrosse..." et de nouveau d'entonner à la nuit tombée : "Au soir du premier jour, Simon Labrosse rentre chez lui...". Et il en est ainsi sept jours durant, durant lesquels Simon s'investit dans des missions futiles.
La pièce Les Sept Jours de Simon Labrosse ne donne pas la représentation d'un cliché soucieux du contexte social actuel. Il s'agit d'une réflexion sur un huis clos où l'espoir et l'incertitude muent en désespoir et dénuement personnel. Tristan Willmott, comédien au talent révélé dans d'autres interprétations, incarne le personnage de Simon Labrosse avec virtuosité. Grand, doux, rêveur et convaincant, il se montre attachant de sincérité et de vérité. Anne Tappon, dans le rôle de Nathalie, montre une jeune femme au tempérament dynamique, l'esprit rebelle, la jambe sensuelle, le tout dans un écrin d'élégance qui lui sied à souhait. Nathalie est l'image d'une génération de jeunes femmes d'aujourd'hui, le reflet d'un état d'être vaporeux et suave en quête de découvertes et sensations nouvelles. Le cours de bouche ouverte ou d'organes intérieurs en sont témoins. Yan Richard, sombre et le vague au négativisme, pose Léo en cheval de Troie, où confusément s'introduisent les noirs désirs de la vie.
Luc Dezel, jeune et talentueux metteur en scène, présente une pièce à l'accent québécois qui donne le ton à cette comédie envolée et à l'esprit synthétique. Le texte de l'auteur, Carole Fréchette, est une cascade de jolies répliques fraîches et contemporaines. Le savoir-faire et le savoir mettre en scène de Luc Dezel donne toute la synergie à cette pièce. La salle plongée par instant dans l'obscurité luit de la présence éclatante du trio de comédiens. Le texte si joliment répliqué prête le public à rire de gaieté de cur. Un vent de bonne humeur et de satisfaction souffle dans salle de ce théâtre. L'accueil s'y avère très agréable car le spectateur est reçu en hôte.
Les Sept Jours de Simon Labrosse ne s'écoute pas comme une pièce de théâtre. Elle s'écoute comme une fable contemporaine sensée d'intérêt, de sincérité et de citoyenneté. Excellent moment de détente et de réflexion. |
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Mis à jour le 08/01/2010
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