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Jardins intérieurs de Grégoire Aubert
ComĂ©die     Environ 1 h 15



Au cœur de nombre de drames et comĂ©dies du rĂ©pertoire, le couple a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© auscultĂ© sous tous les angles. Loin de vouloir rĂ©volutionner un thème universel et galvaudĂ©, "Jardins intĂ©rieurs" entend bien au contraire charger un peu plus la bĂŞte... et la faire plier. Marie et Harry. Un couple. Après 10 annĂ©es de vie commune et un enfant, Marie dĂ©cide de faire le bilan. Les souvenirs d’une vieille Ă©tincelle sont alors mis en balance avec la flamme Ă©teinte du quotidien. DĂ©ambulant sur cette terre brĂ»lĂ©e, le couple se dĂ©chire, s’affronte, se ment ; rarement le couple s’aime. Et se joue devant nos yeux, effarĂ©s ou amusĂ©s, l’autopsie d’une passion dĂ©funte. La dualitĂ© qui habite Marie est personnifiĂ©e par sa voix intĂ©rieure, son jardin secret. VĂ©ritable troisième personnage de la pièce, cette voix est utilisĂ©e non en tant qu’artifice scĂ©nique mais bien comme fil rouge venant introduire, rythmer et commenter le douloureux constat d’échec. Notons Ă©galement l’importance de la bande-son. Loin d’adoucir les mĹ“urs, la musique les met en relief ; mieux, elle accompagne le fil du rĂ©cit de manière allĂ©gorique, notre couple-cobaye dĂ©cidant de changer de vie comme on change de disque. Une question de goĂ»t, d’attente, d’envie, de mode, de culture... Les nĂ©vroses font tant pleurer qu’à la fin, elles font rire. Jusqu’oĂą ? A partir de quel moment le drame lyrique vire t’il Ă  l’opĂ©rette ? A moins que ce ne soit le vaudeville qui ne tourne Ă  la tragĂ©die ? "Jardins intĂ©rieurs" est une pièce de théâtre qui relève dans le fond du solfège plus que de la symphonie. A l’écoute du livret, la lĂ©gèretĂ© de l’interprĂ©tation renvoie constamment Ă  la gravitĂ© de la partition. Admettons-le, oui, le couple a bon dos ! Qu’elles qu’en soient les variations, la ritournelle reste la mĂŞme depuis la nuit des temps. Peut-on seulement tenter de changer le disque ; et espĂ©rer tomber sur un air entĂŞtant.

Note de l'auteur. Une femme et un homme. Marie et Harry. Un couple, un appartement, une confrontation. Une histoire simple en soi. Marie : "Avec Harry, je n’ai pas mon mot à dire et lui ne dit pas un mot. Tout est réglé comme du papier à musique. Alors j’ai changé de disque. Ce n’est pas un crime !" Marie ? Le détonateur. L’insatisfaite. Plus tout à fait une jeunette mais une jeune femme quand même. A la croisée des chemins, perdue entre la trentaine et la quarantaine, période où souvent, mariées et mères - en un mot "installées" - les femmes dressent un bilan. Voilà déjà un bon sujet ; une femme faisant le point sur sa vie comme elle effectuerait son bilan comptable, remplissant les colonnes actif et passif. Un bilan ? Une rétrospective plutôt, pour mieux se dessiner un nouvel avenir. La remise en cause de tout, de rien et surtout oui, surtout de son couple ! Lorsqu’on se rend compte : que le décalage entre le schéma de la famille idéale et la réalité familière est trop grand ; que, petit à petit, l’histoire que l’on croyait passionnelle s’est métamorphosée en récit cafardeux ; que les rêves de petites filles sont devenus "vulgaire vie de couple", qu’on est tout bonnement en train de gâcher sa vie.

Harry : "Marie, voilà un an que je ne peux plus la toucher. Tous les soirs, elle me joue la même petite musique de nuit. Alors, cette fois, j’ai retourné le disque. Ce n’est pas un crime !" Harry ? Le mari de Marie. La quarantaine heureuse et satisfaite. Un homme fat. Il fait partie de ceux dont on dit qu’ils ont "réussi". Façade sociale, l’éternel sourire de circonstance et la tête froide. Confronté à la violence de celle qu’il connaît sur le bout des doigts - comme on maîtrise un instrument de musique - Harry peut-il vraiment se sentir déstabilisé ? Le masque va-t-il tomber, révéler des fêlures ou n’incarne-t-il que le vide et le néant ? Entre Marie et Harry, la guerre est déclarée. Guerre des nerfs ; guerre des sexes. Plongées dans la mise en abîme des egos, les névroses éclatent au grand jour. Car l’analyse intime s’exprime dans les oppositions. De styles. D’interprétations. De désirs. Rien ne va plus ! Faites vos jeux ! Oui, dans ces jardins intérieurs, tout est question de jeu. On rit des obsessions de l’autre. On s’amuse à lui faire peur. Le môme devient otage. La mort rôde, la menace est permanente. Jusqu’où ira ce méchant déballage, si excessif qu’il en devient drolatique ? Effectivement - évidemment devrait-on dire - l’humour n’est jamais absent de ce pur exercice de style. Les dialogues sont châtiés, jouent sur le sens et les sonorités, sur les mots, imposent un faux rythme au duel. Marie et Harry entament devant nous une danse meurtrie et meurtrière. Une danse inachevée. Le slow a cédé la place à un tango. Moins de frottements hypocrites mais une gestuelle de ruptures.

Marie : "Changer de disque, d’accord, mais encore faut-il savoir celui que l’on veut Ă©couter. Et je n’ai pas envie de choisir." Ultime pied de nez, la scène et la vie se mĂ©langent et finissent par se confondre. C’est ouvertement le théâtre de la vie. Le couple n’est que la rĂ©plique Ă  grandeur humaine des relations ambiguĂ«s entre un comĂ©dien et son coach. Quel rĂ´le Marie peut-elle alors interprĂ©ter ? Doit-elle accepter jusqu’au bout la mise en scène de sa propre existence imposĂ©e par Harry ? Il n’est jamais trop tard pour changer le disque de nos rĂŞves. Surtout au théâtre. N’est-ce pas dans le dĂ©risoire que se manifeste l’essentiel ? Marie et Harry : (en chœur) "On est bien tout seul. C’est lorsque l’on est deux qu’on dĂ©prime..."

Cette fiche-théâtre a été enregistrée par GrĂ©Goire Aubert. Plus d'infos sur : [site] Gardois depuis 2003, j'enchaĂ®ne les productions en se partageant entre le jeu et l’écriture. Auteur de plus de 30 pièces, mes textes sont jouĂ©s un peu partout en France et au-delĂ  (Canada, Belgique), par des compagnies professionnelles ou amateur. Pour ces dernières, j'ai dĂ©jĂ  Ă©crit plusieurs comĂ©dies avec des distributions importantes et modulables. Les sujets les plus divers m’inspirent. En tant qu’auteur rĂ©gulièrement Ă©ditĂ©, j'ai alternĂ© le drame et la comĂ©die. Mais dans le rire comme dans les larmes, il me paraĂ®t essentiel d'Ă©viter l’écueil de la vulgaritĂ© et de la facilitĂ©.