Dans la civilisation régie par la "pensée unique" (ultra-libéralisme), toutes les significations et valeurs se résorbent en un sens unique, c'est-à-dire la seule direction du profit, et la logique unitaire du marché. Les multiples personnages de cette pièce, construits précisément à partir de modèles socio-culturels différents (politiques, culturels, médiatiques, etc.) et de milieux hétérogènes (de la grande bourgeoisie au sous-prolétariat des banlieues), convergent au final vers des buts identiques : l'accession rapide à plus de "réussite", de reconnaissance médiatique et de confort matériel. Véritable mosaïque des discours contemporains, "Sens Unique" dessine la fresque délirante, monochrome au final, d'une société privée d'alternative. Même les héros supposés "positifs" (une jeune fille en quête d'idéal, un scientifique soucieuxd'éthique) sont lentement absorbés par le chorus de l'idéologie dominante. Dramaturgie dynamique fondée sur le croisement fugitif de destins lourdement déterminés par une logique froidement économique, sur l'effet esthétique surprenant des différences et contrastes voués à l'identique, et sur la dégradation inéluctable de l'humain.

Note de l'auteur. Dans le sillage théâtral des socio-types conçus par Nestroy puis Horvath, "Sens Unique" redonne toute son actualité à la tragi-comédie de mœurs. La scène devient ici métaphore condensée du champ social dans son ensemble, et le montage serré, haché, discontinu traduction formelle d'un sens qui n'a plus le temps, d'un temps qui n'a plus de sens.

Écrire à l'auteur